Bénédicte et Sarah de la compagnie Rosa Bonheur ont présenté leur spectacle La veillée devant les usagers du centre social de Presles. 30 minutes pendant lesquelles parents et enfants ont été à la fois spectacteurs, acteurs et danseurs, pour leur plus grand plaisir.
La journée n’avait pourtant pas tout à fait bien commencé. Sarah, danseuse et Bénédicte, conteuse, de la compagnie lilloise Rosa Bonheur, devaient présenter leur impromptu en début de matinée dans le quartier de Presles à Soissons. Sauf qu’encore une fois en cet été 2024, la météo en a décidé autrement : la pluie s’est invitée, les soissonnais sont donc restés chez eux. Mais pas de quoi décourager le duo et c’est avec un grand sourire qu’elles ont accueilli les parents accompagnés de leur enfant, dans la grande salle du centre social.
« Nous sommes la petite surprise, vous ne savez pas ce que vous allez voir », lancent les artistes au public. Effectivement, les usagers venaient initialement pour un atelier de danse parents-enfants mais Elisabeth leur a annoncé qu’il y avait un petit changement dans le programme et qu’avant la danse, ils allaient avoir l’occasion d’assister à un petit truc en plus. Et ce petit truc en plus, cette petite surprise c’est une histoire. Ou plutôt trois histoires, trois contes issus à la fois de contes traditionnels amérindiens et de livres jeunesse.
Alors que Sarah file se cacher derrière le tissu noir tendu au fond de la scène, que Kylian a récupéré son biberon de lait et que tout le monde est confortablement installé, Bénédicte se lance « Jojo, il était bien installé ». À partir de ce moment et pour les trente minutes qui ont suivi, la salle ne lâchera pas du regard la conteuse, qui a réussi à les propulser dans un monde imaginaire où l’on rencontre un petit garçon un peu bougon qui voit son quartier peu à peu disparaître devant ses yeux jamais satisfaits, une dame qui creuse un trou afin de tendre un piège à sa pire ennemie et du fond duquel sort finalement tout un tas de juron métamorphosés en femmes ou encore une petite fille qui tient la caisse de l’épicerie de son grand-père et qui apprend à aiguiser son œil, à laisser derrière elle la surface des choses et des gens pour comprendre ce qui se cache dans les plis de la vie. Les bouches restent muettes, les yeux concentrés, plus un mouvement dans la salle, tout le monde est accroché.
Pour relier ces trois contes qui ont en commun la vie, celle que l’on mène dans son quartier, celle qui est faite de rencontres, de grands bonheurs et de petites vexations, Sarah entre en scène et prendre tour à tour les contours d’un enfant, d’une femme avec une tête de moule à gaufres rouillé ou d’un client d’apparence un peu étrange mais qui se révèle être un des tailleurs de pierres les plus brillants de France.
Et puis sur scène, il n’y a pas que Sarah. Si elle vient tout d’abord s’amuser avec le public assis à deux pas d’elle, elle invite bientôt quelques enfants passez derrière le rideau et à en ressortir la tête ornée de drôles d’accessoires, puis propose à tout le public de le rejoindre sur scène pour le final où tous dansent en faisant virevolter autour d’eux de larges tissus blancs.
« Le fil rouge, c’est le quartier et nous avons souhaité intégrer le mouvement car parfois rester spectateur pendant 35 minutes ça peut être difficile pour certains. Le mouvement apporte un peu de respiration », explique Sarah à la fin de la représentation, « L’idée c’est de laisser une place pour créer de l’imaginaire, avec un côté participatif pour flouter les barrières de la scène et de créer un temps d’union », complète Bénédicte. Les deux artistes semblent en tout cas ravies de leur halte soissonnaise « Ce qui est chouette c’est qu’ils venaient pour participer à un atelier de danse et qu’ils ont avant cela écouté une histoire, ça n’était pas prévu et ils ont bien accroché », souligne Bénédicte « il y avait aussi une belle écoute, on sent bien le dynamisme de l’animatrice du centre social aussi. C’est un super groupe ! »
Et le groupe alors, qu’en a-t-il pensé ? « J’ai tout aimé, surtout le moment où on a dansé avec ma maman », raconte folle de joie Ilaf « six ans et huit mois », et alors qu’on lui demande pourquoi elle a particulièrement aimé dansé, elle répond d’un trait « Parce que j’aime ma maman », de quoi émouvoir Fouzia qui la regarde avec un large sourire avant de compléter, « c’est vrai, la danse ça fait du bien, ça donne de la joie entre nous. »
Logan, 7 ans, a quant à lui adoré le moment où « on a mis les trucs bizarres sur la tête et qu’on a dansé sur la scène. » Klejda, neuf ans, et elle venue avec son père Tani. Si lui ne parle pas le français, elle se fait un plaisir de traduire pour lui en albanais les questions et ses réponses. « Il a bien aimé le spectacle et ce qu’il a préféré c’est de me voir danser, il dit que je danse bien », lance la fillette et agitant les bras dans une douce ondulation vers le ciel. Elle, ce qu’elle retiendra du spectacle c’est « l’histoire avec le petit garçon » et puis ça lui a plu de pouvoir danser avec tout le monde « les mamans, les papas et la grand-mère. »
La grand-mère, c’est Monique, soissonnaise depuis le premier jour « je suis née dans le vase » lâche-t-elle dans un grand sourire. « C’est très vivant, ça fait participer, c’est ouvert, c’est bien ! » lance la retraitée. « Je fais plein de spectacle, je n’ai qu’une vie, elle passe vite alors je fais tout à fond. Et puis les choses comme ça, c’est sympa ! »
Texte et photos : Clémence Leleu