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Métamorphoses

  • Aisne

Il y a deux mille ans, Ovide, écrivain romain, compose sur dix années un recueil de plus de 200 fables, sous le signe de la métamorphose aussi bien au niveau du corps que de l’esprit.

2000 ans plus tard, c’est la Compagnie, La Bande W (ou La Weshe), basée à Château-Thierry, qui propose plusieurs séries d’impromptus, en jouant quelques tableaux revisités de l’œuvre d’Ovide.

Dans le cadre des Plaines d’été, la troupe a choisi, comme scène, le forum des associations à la Ferté-Milon du samedi 3 septembre. Une après-midi, lors de laquelle les clubs d’Aïkido, de Yoga, de randonnées, de volleyball et bien d’autres sont venus, pour donner envie à d’autres de les rejoindre.

Dans les vestiaires du complexe sportif, Garance Bonotto, Antoine Bourasset, Alma Livre, Martin Nadal et Thomas Zuani, les cinq acteurs opèrent une première métamorphose en revêtant leurs costumes à l’image des artistes forains.

Avant de rentrer en scène, les comédiens font corps.

© Isabelle Serro

Thomas Zuani, directeur artistique de la Compagnie La Weshe, devenue La Bande W a eu l’idée de cette adaptation de l’œuvre d’Ovide, Les Métamorphoses pendant le confinement.

« Il est fascinant de constater que des histoires écrites, il y a de cela 2000 ans, sont des textes qui disent beaucoup sur notre société actuelle ».

Thomas Zuani, directeur artistique de la Compagnie La Bande W

C’est avec Martin Nadal que, Thomas Zuani réalise, il y a un an, la mise en scène d’un tout nouveau spectacle, à des « petites formes en plein air ». Le projet est alors pensé pour devenir à terme, un théâtre itinérant, en caravane, à l’image des artistes forains et du théâtre dit « de tréteaux ». L’autre aspect essentiel de cette nouvelle création, est une forte volonté d’être un collectif qui sillonne les routes de France, avec une profonde envie de se rapprocher de la forme du jeu et de l’imaginaire propre à l’enfance.

Par cette dynamique collective, c’est aussi et surtout, d’apporter le théâtre là où on ne l’attend pas, comme par cette après-midi, de fin d’été, à la Ferté-Milon. C’est aussi, l’envie de créer du lien avec un public qui n’a pas toujours les codes du théâtre ou moins accès à ce type de représentation culturelle.

« L’idée du projet est d’apporter le théâtre là où il n’est pas une évidence et là où il y a peu d’offres culturelles, dans une optique de transmission et de vulgarisation des grands textes classiques peu connus du grand public mêlés à des formes théâtrales qui apportent de la joie et de l’humour, là aussi où on ne les attend pas. »

précise Thomas Zuani.

Proposer de la littérature classique à un public pas forcément demandeur est un pari ambitieux.

Une fois métamorphosés, les cinq artistes, sortent de leur loge, en dansant, sur la chanson de Léopold Nord Et Vous « C’est l’amour » !

© Isabelle Serro

Aussitôt, l’ensemble des promeneurs venus rencontrer les associations sont happés par la troupe qui déambule entre les différents stands associatifs. « Vivvvvveeee l’Amouuuuur » le titre des années 80, résonne dans l’enceinte portative que Martin emporte avec lui.

© Isabelle Serro

Garance, une des artistes, vêtue d’une salopette à strass et paillettes, scande au public « Venez… Suivez-nous… Venez découvrir notre spectacle. »

Dans cette ferveur communicative, du théâtre de rue, petits et grands se regroupent autour des artistes.

Les artistes, après s’être présentés, demandent à une « main innocente » de piocher dans un panier d’osier, la scène, inspirée des fables d’Ovide, qui va être jouée en semi-improvisation.

© Isabelle Serro

Pour les comédiens, c’est une grande part d’inconnu à chaque représentation.

« On a déjà testé, mais il y a toujours, une part d’inconnu, de surprise. C’est une réinvention à chaque fois dans des endroits qu’on ne connaît pas, non dédiés au théâtre » précise Martin.

Thomas nous dit aussi:  -« C’est aussi très important pour nous en tant qu’artistes, car cela nous amène à sortir de notre zone de confort. Dans certaines formes, nous assumons totalement l’inversion des genres (Apollon joué par une femme, ou bien la mère de Phaéton jouée par un homme) dans un but de reconstruction des images sociales imposées par la société et permettre ainsi d’ouvrir une brèche dans notre quotidien, d’ouvrir la parole ».

© Isabelle Serro

Martin précise : -« Les impromptus sont au nombre de quatre, ce qui représente 1 h 20 au total de spectacle. L’idée, c’est de raconter ces mythes fondateurs d’Ovide, dont tout le monde a entendu parlé, sans les connaître vraiment.  Par exemple, c’est le mythe de Narcisse qui tombe amoureux de son reflet ou encore celui d’Orphée qui veut tromper la mort pour récupérer des enfers, son épouse, Eurydice. C’est aussi celui de Phaéton, qui demande à son père, le roi du soleil, de pouvoir emprunter son char, comme preuve de paternité ».

Chacun de ces mythes vient faire écho avec notre actualité. Phaéton est un conte écologique. C’est l’audace d’un jeune homme qui va engendrer un incendie planétaire. Orphée, c’est une fable qui parle de tout ce qu’on est prêt à faire par Amour, mais aussi l’homme qui cherche à vaincre la mort.

Chaque métamorphose aborde des sujets universels, qui parlent à tous et qui touchent notre actualité, notre monde contemporain.

Entre un code burlesque enlevé, de l’écriture personnelle exigeante et de la variété française comme « Elle a des yeux revolvers » de Marc Lavoine, « In love with myself »  de David Guetta pour l’impromptu autour de Narcisse ou encore « Allumer le feu » de Johnny Hallyday pour la fable de Phaéton, les comédiens ont ce talent de faire entendre au public de tous âges, des passages de la langue d’Ovide. C’est une véritable volonté de la part des metteurs en scène de faire une adaptation populaire et accessible des métamorphoses.

Par le biais de situations, connues de tous comme le mariage avec le mariage d’Orphée et Eurydice. Orphée est un héros voyageur qui participa à l’expédition des Argonautes où il triompha des sirènes. Dès sa rencontre avec Eurydice, ils s’aimèrent tout de suite et décidèrent de se marier. Mais le jour de son mariage, Eurydice fut mordue au mollet par un serpent venimeux.

Une bâche de plastique vient symboliser le fleuve des morts. Charon, joué par Antoine, déclame alors les paroles d’Ovide.

Ou l’enterrement avec les funérailles de Phaéton. Ce dernier, ayant emprunté le char solaire de son père, il en perdit le contrôle et embrasa le ciel et la terre.

L’anniversaire avec les 16 ans de Narcisse, qui n’est pas encore un jeune homme, mais qui déjà séduit tout le monde.

Le pari ambitieux de la troupe, est plus que réussi. Le public est littéralement captivé par chaque impromptu.

Violette, 68 ans, venue avec ses filles et sa petite fille Enora, ri aux éclats.

-« J’adoooooore ! » dit-elle. « J’étais dedans à fond ».

-« Ce qui nous plaît, c’est que ce soit décalé. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit cela. Cette forme, qui n’est pas du théâtre classique, nous permet aussi de découvrir des choses qu’on ne connaît pas » précise Malvina.

Une autre spectatrice, Élodie, venue présenter son association autour du Yoga.   —« J’ai beaucoup aimé cette expression de l’Amour. Les rôles inversés aussi lorsqu’une femme joue le rôle d’un homme, c’est très intéressant. C’est très beau à voir. Les musiques de mon enfance aussi, c’était un plus».

Puis, ……..-« J’étais venue rencontrer les associations de la région et j’y ai trouvé bien plus que ce que je cherchais… Je crois même que je vais me plonger dans l’œuvre d’Ovide car j’ai maintenant envie d’en savoir plus ».

À l’issue de cette après-midi, les spectateurs en demandent encore.

On a hâte de découvrir le projet rêvé de cette troupe, d’une caravane itinérante, qui elle-même se métamorphoserait à la fois en un lieu de création, un lieu de rencontre avec les populations, mais aussi une base avec une scène qui permettrait de sillonner la France et de porter à la connaissance du plus grand nombre, la langue d’Ovide et de ses métamorphoses.


Texte et photos : Isabelle Serro

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