Chaque été depuis six ans, le dispositif « Quartier d’été » s’installe dans les quartiers de la ville de Tergnier, transformant les espaces urbains en lieux de rencontre et d’animation pour les habitant·es et les visiteur·euses. Pendant une semaine, ce festival offre une palette d’activités allant des jeux aquatiques aux spectacles artistiques, et se clôture par une journée festive le vendredi. Cette année, le spectacle « Zonardes », proposé par Labo Compagnie, a captivé l’attention et l’imagination des participant·es, introduisant un mélange unique de danse et de théâtre.
Ce 19 juillet 2024, sous un soleil ardent, le quartier s’anime. Les enfants jouent dans les mini piscines, les plus aventureux explorent le château gonflable, tandis que les adultes se rafraîchissent à l’ombre des arbres. Marlène, l’animatrice du jour, prend le micro et annonce le début imminent du spectacle. Les participant·es se rassemblent autour des bancs disposés pour l’occasion, prêt·es à se laisser emporter par la magie de la performance.
Un langage nouveau
Anne-Charlotte Zuner et Amandine Dusart, les deux danseuses derrière « Zonardes », ne sont pas de simples interprètes. Leur art est une réflexion poétique sur les enjeux contemporains de notre société. Leur ambition ? Inventer un langage nouveau, capable de capturer la complexité du monde et de réinventer la réalité à travers le rêve. Pour elles, l’essence de l’art réside dans les relations humaines, et c’est par l’interaction avec le public qu’elles souhaitent établir un lien significatif.
Leur spectacle s’articule autour d’une notion centrale : l’attente. Dans un monde où tout semble aller trop vite, l’attente est souvent perçue comme une contrainte, un moment à combler à tout prix. Mais pour Anne-Charlotte et Amandine, l’attente devient une scène de découverte, une pause nécessaire qui ouvre un espace de réflexion et de créativité et surtout la possible rencontre avec l’autre que soi.
« On attend quoi ? Bah, on attend Godu. Mais Godu ne vient pas ! » – ces appels dans le public résonnent comme une incantation dans un univers indéfini, où les deux protagonistes, seules mais unies, apprivoisent le vide qui les entoure. L’attente, loin d’être une passivité, se transforme en un acte volontaire, un temps suspendu qui devient source d’exploration intérieure.
L’ennui, source de créativité
Dans cette pause imposée, les « Zonardes » se déconnectent du rythme effréné de la vie moderne. Elles plongent dans une introspection qui révèle que l’ennui, souvent redouté, peut devenir un réservoir inépuisable de créativité et de découvertes. Chaque mouvement de leur danse poétique transcende le geste quotidien, invitant le public à ralentir, à observer, et à se reconnecter avec soi-même.
Une rencontre interpersonnelle
Mais l’attente ne se limite pas à l’exploration de soi. Elle est aussi un moment de rencontre avec l’autre, où le silence partagé ouvre de nouvelles perspectives. À travers un geste inattendu, une pensée fugace, la routine se brise, laissant place à une explosion de couleurs et de nouvelles idées. La relation humaine devient alors un champ d’inspiration et de créativité inépuisable.
La force de l’instant présent
L’attente devient ainsi une célébration de l’instant présent. Au lieu de subir ce temps suspendu, les deux artistes choisissent de l’habiter, de l’explorer et de le transcender. Le spectacle nous offre une leçon précieuse : trouver la beauté dans l’immobilité, découvrir la richesse intérieure dans le silence, et transformer l’attente en un acte libérateur.
Des costumes qui parlent
Pour accompagner cette performance, le choix des costumes n’est pas anodin. Les danseuses portent des vêtements de sport, symbole de quotidienneté, qu’elles ont poussés à l’extrême en fouillant dans les friperies pour des pièces colorées. « C’est aussi une manière d’aborder avec les jeunes, notamment les adolescents, des questions de mode, d’acceptation de son corps qui change, et d’identité, » précise Amandine en ajustant son survêtement.
Naissance de personnages « loufoques »
Les « Zonardes » sont nées pendant la période de la Covid, comme une réponse à un besoin de légèreté dans un monde en crise. Anne-Charlotte les décrit comme des personnages « un peu loufoques », mélangeant danse et théâtre pour briser les clichés des visages fermés des danseurs traditionnels. Leur jeu, sans paroles, transporte les spectateur·rices dans un univers où les émotions passent du rire aux larmes, de la peur à la joie, en l’espace de 30 minutes.
Un voyage artistique entre danse et théâtre
Sur le bitume chauffé par le soleil estival, les « Zonardes » créent une véritable proximité avec le public. Elles foulent le sol, dansent et évoluent, captant l’attention de spectateurs figés dans ce moment suspendu. Dans ce huis clos poétique, la chorégraphie dévoile la singularité de chacun, effaçant la frontière entre danse et théâtre.
L’invitation à l’absurdité
Dans le registre de l’absurde, le spectacle ne cesse d’étonner. Il ne se passe rien, et pourtant, il se passe tant de choses. En s’appuyant sur une gestuelle contemporaine et urbaine, les interprètes font voler en éclats les codes de la danse, proposant une réflexion sur la connaissance de l’autre et l’acceptation des différences.
Un spectacle pour tous
Le spectacle « Zonardes » résonne avec tous les âges, offrant une expérience drôle et touchante à partager en famille. Les sons et les mouvements apportent une légèreté à cette danse contemporaine, où le sérieux n’a pas sa place. Avec « Zonardes », Labo Compagnie offre une performance qui mêle poésie, humour et réflexion, une invitation à ralentir et à accepter l’autre avec toutes ses différences.
Distribution : Conception, créé en collaboration et interprété par Anne-Charlotte ZUNER et Amandine DUSART
Collaboration artistique : Stéphane VONTHRON, Philippe GUISGUAND, Sylvain MERCIER, Aurore FLOREANCIG, Léonard C. HELIOT
Texte et photos : Isabelle SERRO