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Le chien, le cochon, la mouette et les poulets rôtis…

Une curieuse équipe fait son apparition ce vendredi matin sur le marché place de la gare à Merlimont (62). Le mois d’août n’a pas encore épuisé son lot de vacanciers et le temps est au beau, pourtant l’affluence n’est pas en croissance folle quand la Compagnie Détournoyment franchit le premier stand.

« C’est surprenant ! »

souffle l’épicière à sa cliente – sourires échangés.

« C’est le nouveau service d’entretien de la Ville de Merlimont » répond Julien Emirian, comédien de la Compagnie à la tête de l’équipe qui déambule désormais dans l’allée du petit marché. Gilet et pantalon de sécurité jaune fluo, il tire tranquillement son chariot à poubelle, suivi par trois personnages à têtes de cochon, chien et mouette. Mi-impressionnée, mi-curieuse, une petite fille s’approche, ramassée dans les jambes de son papa qui l’accompagne. « Paraît que ça coûte moins cher d’embaucher des animaux, on expérimente et on recrute encore, Madame, si vous souhaitez trouver un job à votre animal de compagnie ! » ajoute le chef d’équipe tout en confiant quelques missions de nettoyage à sa horde. Le chien, le cochon et la mouette s’exécutent et engloutissent capsules, mouchoirs et canettes de soda qui jonchent l’asphalte.

Les gens rient. La mascarade interpelle. Les langues se délient.

« Y’en a même un en cochon !!! À Merlimont, il y a des touristes qui ne sont pas propres. Moi par exemple, j’ai un chien, et je ramasse ses crottes. Mais j’habite sur le front de mer, je suis souvent sur le plage, vous vous doutez. Je les vois les gens laisser les déjections de leurs chiens sans scrupule. C’est bien cette animation. Si ça peut attirer l’attention sur la propreté. » Patrice poursuit ses achats, revenant plusieurs fois discuter. « L’autre fois, j’ai trouvé quatre cormorans morts sur la plage. Ça fait quand même beaucoup, quatre, en même temps. Vous en savez quelque chose, vous ? Il faudrait que je demande à l’Office de Tourisme, il doivent avoir des infos là-dessus. » Patrice repart vers les étals avant une dernière intervention. « Mais faut faire gaffe quand même, à l’image ! Parce que le personnage du cochon, ça pourrait froisser les gens. Faudrait pas qu’ils se sentent insultés de cochons. »

« J’ai arrêté de fumer parce que y’avait trop de mégots par terre.
Qu’est-ce qu’on va laisser comme planète !? »

raconte Bruno, artisan sculpteur de couverts en argent, au passage de cette drôle d’équipe propreté.

Arrêt devant les poulets rôtis. Mi-figue, mi-raisin, la commerçante cherche le ton : « Ça fait un peu d’animation et ça fait rire les gosses. » Ne partageant pas son avis, le rôtisseur lâche à ceux qui voudraient l’entendre : « Feraient mieux de nous laisser travailler plutôt que de nous faire chier avec leurs conneries. On paie pour être ici, déjà que c’est le pire marché du coin, dans deux ans, c’est fini ici ! ». Dépitée par les propos des commerçants, une passante réagit et faisant tourner son index sur le côté de sa tête : « Les gens ne comprennent pas le sens caché. » Sa petite fille acquiesce. Marie-Christine poursuit : « C’est vraiment bien ce que vous faîtes. Y’a des gens qui laissent n’importe quoi sur la plage et nous, on ne peut rien dire. L’autre jour, y’avait un tesson de bouteille, c’est dangereux quand même ! Alors, bravo à vous ! »

Après le climax de la rôtisserie, Julien, Émilie, Ségolène et Rebecca – comédien·ne·s du Détournoyment – s’en retournent vers leur loge improvisée, une voiture immaculée comme leurs combinaisons, spacieuse pour accueillir costumes et matériel. « Ça a râlé, ça a râlé – mais on n’a pas eu d’enfants qui ont eu peur cette fois-ci ! » remarque Julien quittant rapidement la peau de son personnage. « On fait de la rue avec Détournoyment, notre objet c’est vraiment de jouer dans les lieux non-dédiés à la culture, on est habitué, mais c’est toujours surprenant de tomber sur des gens aigris. C’est le huitième impromptu qu’on joue cette semaine et là, c’est la première fois qu’on a à faire à quelques mécontents. Mais on aime se concentrer sur le positif. Parce que le ratio joie / amertume est vraiment vite calculé. » Les comédien·ne·s remisent leurs déchets et débriefent tranquillement. « Ça fait deux ans qu’on joue More Human Than Humans, ce spectacle, pour Plaines d’été. Et chaque année, on essaie de donner une représentation précisément dans la commune où on loge. L’année dernière, c’était Cappy (80). Cette année, c’était Merlimont. Les accueils sont toujours différents, il y a les communes qui disent juste « ok » et celles qui nous accueillent avec le café, on a même eu des loges une fois. Ce soir, on sera à Saint-Valery-sur-Somme, on ne connaît pas, on va découvrir, paraît que c’est sympa. »

Une nouvelle expérience – qui promet son lot de surprises – commence à germer dans les têtes des artistes : « Si l’année prochain, on refait Plaines d’été, on aimerait aller sur les aires des autoroutes de la région Hauts-de-France. » Affaire à suivre donc !


Texte et photos : Clémence Boulfroy

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