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Écoutez, la terre nous parle!

  • Aisne

Ce samedi 24 septembre au matin, le petit village de Bucilly, du centre de la Thiérache, semble mettre tout en œuvre pour contenir la pluie menaçante au travers des nuages. Sur la place de la mairie, Manu, le maraîcher, installe ses légumes bio, tandis que déjà, les premiers villageois arrivent pour s’approvisionner. Puis, tour à tour, d’autres commerçants, étalent sur leur emplacement des céramiques, des livres, de la limonade.

© Isabelle Serro

Au milieu de toute cette agitation matinale, la Compagnie Les Lucioles s’en mêlent est venue, elle aussi offrir aux promeneurs, quelque chose en partage : leur spectacle « Terra Fetu ».

Depuis la fenêtre de son domicile, un des habitants, regarde, intrigué, ce que les trois artistes sont entrain de préparer. Que vont-ils pouvoir faire de toute cette terre ?

© Isabelle Serro

Alors que le marché commence à prendre forme, Margaux Darloy, comédienne, installe les coussins sur les bancs, soigneusement positionnés, comme une douce invitation à venir prendre place. Hugo Debouzy, metteur en scène et comédien, lui, règle les derniers détails de la sono, abritée sous un parasol, au cas où la pluie viendrait finalement à tomber.

© Isabelle Serro

Julie Gouverne, comédienne et marionnettiste, troisième artiste de la compagnie, étale avec soin, de ses mains, de la terre, sur une table, qui prends rapidement l’aspect d’une scène de théâtre.

Dans cette terre, elle y dissimule deux marionnettes…les Terra Fétu.

© Isabelle Serro

Une fois que tout est installé, les artistes, se retrouvent dans une des salles de la mairie pour faire corps et échauffer leurs voix.

Cette « petite forme poétique » est née de la rencontre de la compagnie avec des passionnés de la terre. C’est ainsi que les trois artistes ont décidé d’aller discuter en Thiérache avec « les gens qui sont en rapport avec la terre ». C’est ainsi, qu’ils ont rencontré Frédéric, un fossoyeur, puis Manu, le maraîcher, Maude la céramiste ou encore les enfants, pour connaître leur rapport à la terre.

Au gré du recueil de ces témoignages, les « Terra Fetu » sont alors sortis de terre. En fait ce sont trois marionnettes confectionnées et pensées par les artistes de la compagnie qui sont nées d’une « pâte à terre », savant mélange de colle à bois, de terre et d’un peu d’enduit pour la couleur, et aussi de marc de café.

– « La terre, c’est quelque chose dont on ne parle pas tant que cela, alors que c’est essentiel. C’est la base de la vie, pour manger, pour vivre. » Nous dit Hugo . « L’idée, c’est de raconter l’histoire de la terre tant à des publics du monde rurales qu’à des citadins »

La compagnie nous explique que « Les Terra Fetu , ce sont des êtres de terre, un peu taupe, un peu bulldozer, un peu mineur. Ils vivent sur, sous et dans la terre. Les Fétus adorent les histoires qui racontent leur monde. Des histoires qui creusent. Ils aiment les histoires poétiques des racines, les fables des jardiniers, les blagues des fossoyeurs ou les récits des champignons. Ils recueillent et enregistrent les mots et les paroles de chacun pour en faire de curieuses cérémonies. Dans les parcs, les Champs, les coins de verdure, les forêts, les pots de fleurs, et partout où il y a de la terre, les Fétu apparaissent par surprise pour raconter à leur manière, leur amour de la terre »

Les promeneurs curieux et attirés par la mise en place, s’asseyent sur les coussins de Margaux, qui ne tarde pas à annoncer le début du spectacle.

© Isabelle Serro

Hugo et Julie sortent de la mairie, pieds nus. Le spectacle commence par des mimes, aucun mot ne jaillit, puis, arrivent les témoignages de tous ces amoureux de la terre rencontrés.

La voix de Manu commence à résonner :

-« Si la terre était une musique, elle serait la symphonie des oiseaux. Je suis maraîcher bio et j’essaie de travailler en collaboration avec cette terre. L’essentiel de mon travail, se fait au niveau de la terre. J’en prends soin et en contrepartie, elle m’offre de bons légumes. En fait, c’est un partenariat avec la terre. Je travaille avec quelque chose de vivant et ça m’apporte beaucoup de sérénité. La terre faut l’aimer et la respecter ».

Sur les mots de Manu, les terra Fétu sont sortis de terre et commencent à évoluer pour le grand plaisir des spectateurs.

Puis les paroles de Frédéric le fossoyeur, suivies de celles des mamies jardinières ou encore des enfants :

-« Moi, j’aime bien la terre, on creuse, on fait des trous. On plante des légumes, des racines, pour manger. Il y a des vers de terre, des fourmis, des lapins et parfois, on peut trouver de l’or, et même des œufs de dinosaures !».

Hugo et Julie, marionnettistes, avec leurs Terra Fétu, déambulent parmi les spectateurs et continuent à mimer toutes ces relations à la terre.

À la fin du spectacle, il est proposé aux spectateurs de venir mettre leurs mains dans la terre, pour ceux et celles qui le souhaitent et de pouvoir toucher, jouer avec les Terra Fetu

© Isabelle Serro

Très souvent, au contact de la terre, la parole se libère. Chacun vient alors partager son ressenti et laisse libre cours à son imaginaire. La terre revient alors au centre de la discussion, comme un retour à sa juste place.

– « Ce spectacle m’a rappelé combien cette terre est source de vie, un peu comme le ventre d’une mère » nous dit Aryane, 68 ans, venue assister au spectacle.

Margaux et Hugo, co-fondateurs de la compagnie, sont tombés amoureux de la Thièrache et envisagent très sérieusement de s’y installer.

Des étoiles plein les yeux, la comédienne, explique ce désir de changer de région : – « Au travers de nos spectacles, nous avons rencontré les habitants et nous avons créé du lien, profond et vrai. Ici, dans la Thiérache, les habitants sont très enclavés et, par ce type d’animation, on replace lhumain au cœur de la création, cela engendre de l’accessibilité, de la découverte et du partage. En jouant sur ce territoire, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait plein de lueurs ici et qu’il fallait juste leur donner la chance de pouvoir s’éclairer. C’est un territoire hyper lumineux ! Les personnes ici, se battent encore pour leur terre ».


Texte et photo : Isabelle Serro

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