Les notes d’un pipeau arrivent, d’abord tout doucement, comme un chuchotement, à travers le bruit des feuilles des grands arbres, qui trônent fièrement en retrait d’une petite route, à la sortie du village de Saconin-et-Breuil. Telle l’apparition d’une porteuse d’eau, une jeune femme, pieds nus, un très grand récipient en bois, positionné sur sa tête, arrive vers les spectateurs. Aux notes de musique, s’ajoutent les paroles de la chanson « La marelle » de Nazaré Pereira :
« Le jeu de la Marelle
Va de la terre jusqu’au ciel
Entre la chance et le puit
Tu reviens et c’est fini
Petite, petite fille
Tu es là pour t’amuser
Lance bien la pierre
Prends garde où tu mets tes pieds »
La magie est de suite là. Les grandes bandes de tissu installées pour l’occasion dans les arbres, volent au gré du vent. Le soleil est au rendez-vous. On se laisse immédiatement emporter.
« Au jeu de la marelle
Ne va pas marcher sur la ligne
Le pied dedans, le pied dehors
Ce pied ne doit pas se tromper
Le jeu de la marelle
C’est pour que la petite fille saute
Attention de ne pas te tromper car la vie
Est courte et tu n’emporteras rien »
Camille Bancel, artiste de la compagnie ISIS, danse tel un elfe des bois, dans cette nature, devenue l’espace d’un instant, un lieu aux mille et une facettes.
– « Ce spectacle, WILD, est né d’une envie de réaliser quelque chose dans la nature, de léger, de gai » précise Camille.
Deux semaines avant le spectacle, Camille était venue repérer les lieux et était tombée sous le charme de ce lieux parmi ces arbres. Quelques heures avant le début de la représentation, par une technique propre à la grimpe d’arbre, Camille est allée, fixer, dans les hauteurs, les câbles et les grands drapés de tissu de plusieurs couleurs.
– « J’ai un tripode pour ce spectacle mais, lorsque je peux accrocher dans les arbres, je choisi cette option car c’est plus beau. On ne voit même pas les systèmes d’accroche. J’aime beaucoup ! »
Tout au long du spectacle, Camille, devenue un « petit personnage sauvage », « Wild » va évoluer dans ce monde qui se construit et se déconstruit, au gré des possibilités que lui offre la nature. Elle deviendra champignon, parmi les feuilles qui jonchent la terre, puis fera corps avec l’élément eau.
Elle danse encore et encore, enchaînant les chorégraphies, épouse le sol, avant de s’envoler dans les airs, avec une légèreté de vivre qui transporte chaque spectateur. On ne sait plus si elle est animal ou être humain, elle célèbre la vie avec beaucoup de poésie, en communion avec les éléments qui l’entourent.
On retient son souffle lorsqu’elle évolue sur un câble, tendu entre deux arbres et on s’émerveille lorsqu’elle se drape dans les hauteurs.
La magie a opéré, les spectateurs, applaudissent l’artiste dans les airs.
Tous semblent à nouveau, de grands enfants dans ce cirque de la nature. Les arbres semblent danser eux aussi, en harmonie avec Camille. C’est beau !
Alexandre Maillet-Contoz, maire du village, est ravi :
-« Ce qui me plaît beaucoup, c’est ce lien avec la nature. J’aimerais beaucoup que les habitants de notre village reprennent contact avec ces éléments. Là, c’était l’occasion ! Mettre en avant la culture dans cette période troublée, c’est essentiel. Il faut y aller à fond ! Le lieu qu’a choisi Camille est un emplacement de la commune, que nous n’utilisions plus trop et je suis heureux de voir qu’il a à nouveau pris vie. »
Sylvie, habitante du village : – « La lumière est magnifique aujourd’hui, on dirait qu’elle était là au rendez-vous, elle aussi. Ce spectacle est une réelle communion tant avec l’espace, qu’avec le lieu. Et le sourire de cette artiste m’a fait beaucoup de bien. Il y a, je trouve, un gros déficit culturel dans cette campagne profonde, et assister à cette prestation par un beau dimanche matin, à deux pas de chez nous, dans notre village, c’est magique ! »
Texte et photo : Isabelle Serro