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Une boîte géante pour rêver, en sons et en images

PLAINES D’ÉTÉ – Isoloir17 septembre – Saint-Omer

Sur la place Foch à Saint-Omer, il y a un magnifique théâtre, Le Moulin à Café. Ce théâtre a été fermé au public pendant quarante-cinq ans pour des raisons de sécurité. Rouvert en 2018 après un important chantier de réhabilitation, il rayonne sur la ville et sur les environs, avec une programmation assurée par la structure La Barcarolle. C’est ce lieu majestueux qu’a choisi le collectif Meute pour poser Isoloir, son « installation interactive de cartographie utopique ».

© Olivier Pernot

Cette installation est une grande boîte orange, très flashy, placée dans le hall arrière du théâtre. En arrivant sur place, ce samedi 17 septembre, une femme sort justement de ce cube mystérieux. Nous l’interpellons pour qu’elle nous raconte son expérience. Il s’agit de Christine Souillard, la directrice de La Barcarolle : « Nous devons choisir un paysage sensible pour nous et les sons appropriés à ce paysage. C’est un paysage fantasmé. Moi je suis partie très loin, dans un village de la Drôme où je vais depuis que je suis adolescente. Un endroit où je me ressource et où je ne vais pas assez souvent. Dans cet endroit, j’ai recollé mon imaginaire sonore : une chorale d’adultes, des sons de forêt, un chant lyrique, le chant d’un muezzin, des bruits d’enfants. » A la question « Etes-vous restée longtemps dans la boîte ? », elle répond émerveillée : « Je ne sais pas, j’étais bien. Je me suis complètement échappée. »

Voilà donc cet Isoloir, dont l’intérieur reste encore énigmatique. Créé en juin 2022 par le Collectif Meute, le dispositif a déjà été installé à la Gare Saint-Sauveur et à l’Opéra de Lille, à la Condition Publique à Roubaix et la Chartreuse de Neuville. Il s’agit d’« un projet qui arrive dans la continuité de l’opéra participatif Furieux, dont un personnage avait un costume isoloir », explique Claire Pasquier, responsable de la conception et la direction artistique du dispositif. « Isoloir est comme un rhizome de Furieux. Cette installation permet d’aborder différentes questions : Comment habite-t-on un territoire ? Qu’est-ce qui fait qu’on est chez soi ? Qu’est-ce qui fait qu’on appartient à un territoire ? Chaque participant est invité à aller vers quelque chose d’onirique. Et comme dans un isoloir, chacun peut choisir ce qu’il veut. »

Sur une face du cube, un petit écran et une chaise juste devant. Durant la journée, plusieurs personnes vont se lancer tenter par l’aventure, comme Fanette, 46 ans, habitant à Saint-Omer, et Anna, 10 ans, venue de Marcq-en-Barœul avec son père.

Nous suivons donc Anna dans son aventure visuelle et sonore en franchissant la porte collée sur un côté. A l’intérieur du cube, nous découvrons dans l’obscurité un écran vertical et un petit écran tactile pour commander les deux expériences. La jeune fille a sélectionné l’adresse de son logement sur l’écran extérieur : « J’ai choisi mon appartement à Marcq-en-Barœul et j’ai rajouté une tortue, la mer et la forêt. J’aime bien, même si cela n’a pas de sens. » Le logiciel permet ainsi que « décorer » l’environnement du lieu choisi, qu’on peut voir apparaître grâce à Google Street View, et de multiplier les expériences visuelles.

Anna se lance ensuite de la mise en son de son univers, guidée par Claire Pasquier du Collectif Meute. Là encore, tout se fait de manière très intuitive : l’écran tactile permet de choisir des sons, de les mixer plus ou moins fort, de choisir la fréquence de leur intervention. Il y a huit sons par thématique : nature (vent, rivière), animaux (cigales, mouettes, chouettes), humains (ambiance de bar, embouteillage), instruments de musique (accordéon, chant lyrique, orchestre). « Pour le son, j’ai mis du violon parce que c’est très beau comme instrument », raconte Anna. « Il y a aussi des aboiements de chiens et des miaulements de chats, des cloches et de la pluie comme tous les sons qu’on pourrait entendre dans un petit village. J’ai mis ce violon aussi car cela ressemble à une musique de film. » La jeune fille est enchantée d’être allée dans l’Isoloir : « J’ai adoré. C’était assez originale comme idée. C’était même génial car on pouvait faire ce qu’on voulait. Ces deux expériences pour les images et pour le son, ce n’était pas du tout compliqué à faire et c’était très amusant. »

© Olivier Pernot

Après Anna, voilà maintenant Fanette qui sort du cube : « C’est une expérience surprenante. Cela permet de voir l’endroit où on vit sous un autre angle, sous un meilleur angle. On peut même introduire ce qui nous manque dans notre quartier. J’habite en ville et il me manque la nature, les bruits d’oiseaux et un peu de musique, un peu de violon. Je suis restée vingt minutes dans la boîte. On oublie le temps. En jouant avec l’image ou avec le son, ce sont deux expériences totalement différentes. Pour l’aspect visuel, on a l’impression d’être un magicien. »


Texte et photos © Olivier Pernot

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