Lorsqu’on arrive à la Médiathèque de Montcornet, une chose vous interpelle de suite. Étalée sur un muret, une multitude de livres divers et variés, est là, qui attend d’être emportée, par un passant ou par une visiteuse. Vous n’aurez pas besoin de pousser la porte, car celle-ci est déjà ouverte !
On attendait plus que vous, pour partir dans le temps, dans celui des souvenirs d’été.
À l’intérieur de la médiathèque de cette petite ville du centre de la Thiérache, Dominique, Hélène et Chantal, trois artistes de la Compagnie l’Échappée, se préparent en attendant les premiers spectateurs.
Entre deux étagères, débordantes de livres, Chantal, assise sur un tabouret, se concentre et chauffe sa voix avant le début du spectacle.
Par ce bel après-midi, du jeudi 22 septembre, Valérie Delaître, responsable de la médiathèque de Montcornet, présente le spectacle qui va être joué : « Avec l’instauration des premiers congés payés par le Front Populaire en 1936, les vacances ont pris une part importante dans notre vie. Période où l’on sort du quotidien, où l’on vit de nouvelles rencontres, apprentissage de la mobilité, les vacances ont un enjeu de retraite de la vie ordinaire. Avec « Souvenirs d’été« , la Compagnie L’Échappée propose un spectacle – impromptu sur la thématique des vacances. A partir de textes, de témoignages et de chansons, nous irons à la découverte de souvenirs (souvenirs d’enfance, de famille, de voyage). Parfois, ce sera de « petites histoires », des anecdotes, parfois de simples impressions, de simples sensations, parfois, des témoignages ou des bribes de journaux intimes, parfois des textes littéraires… Le tout entrecoupé de musiques du monde et de chansons. Une promenade littéraire et théâtrale comme une invitation à voyager à travers le monde et le temps. »
Nous avons toutes et tous des souvenirs d’été, que ce soit loin de chez soi, à bord du véhicule familial, dans un camping, au milieu des champs.
Ces témoignages estivaux, sont issus de récits écris par les habitants de différents villages, que les trois comédiennes ont sollicité au printemps dernier.
Valérie, responsable de la Médiathèque de Montcornet, avait elle aussi, participé à ce travail d’écriture, se remémorant les vacances avec son père.
À l’écoute de son texte, lu et joué par les artistes, elle est émue : « J’ai eu ma larme lorsque j’ai entendu mon histoire. C’est une partie de ma vie, ça fait chaud au cœur ».
« Nous avons ressenti que les gens étaient avec nous, qu’ils partaient dans leurs propres souvenirs. J’ai même vu un monsieur, les yeux fermés, embarqué sans doute par ses propres souvenirs. À chaque fois que l’on joue ce spectacle, on sent une véritable communion avec les spectateurs. On voyage ensemble. C’est très agréable » s’exclame, Hélène Cauët.
L’interprétation des trois artistes, aux vêtements colorés, est tellement forte qu’on finit par sentir l’odeur de l’habitacle de la voiture qui nous emmène en vacances, ou encore le goût des cornichons sur la nappe à carreaux étendue sur l’herbe. On n’ose plus bouger, de peur que la magie de ce retour dans un temps précieux ne s’arrête soudainement.
On passe des départs en vacances en famille, aux voyages organisés avec leurs lots de visites éreintantes, aux jeux sournois sur la plage, aux pique-niques en pleine campagne.
Tout est dit ou presque, avec un humour fin, venu faire caisse de résonance avec les souvenirs de chacun des spectateurs.
Valises multicolores, sièges pliants des années soixante, filet de pêche agrémenté de cartes postales de différentes destination, il ne manque plus que le parfum de la garrigue car même les cigales sont là.
Ponctué de récits récoltés dans les villages, de parodies, de textes de différents auteurs, de chansons et de musiques, le spectacle nous embarque tous et toutes dans l’été.
Avec un extrait de la pièce « Les vacances » de Jean-Claude Grumber, nous arrivons à l’intérieur d’une salle de restaurant, quelque part au mois d’août, dans un pays chaud. En Grèce, peut‑être ? La salle est vide et obscure.
LE PÈRE. « Elles sont jamais libres tes tables à l’ombre, jamais… même celles au soleil sont pas libres… alors ? Qu’est‑ce qui faut faire ? Poser sa serviette de plage sur une chaise le matin à l’aube comme font les Boches, ou passer toute la nuit assis en terrasse pour espérer bouffer le lendemain midi sous un coin de parasol avec un groupe de Belges sur les genoux, je sais pas ce qu’il faut faire moi, dis‑moi toi si tu sais… venir à Pâques, se mettre à table et plus bouger jusqu’au mois d’août ? »
Par leur jeu, les comédiennes, nous emmènent dans cette salle de restaurant. Et là aussi, nous aussi nous commençons à sentir le soleil qui est au zénith.
Sur le texte de Gilbert Leautier, la matriarche, nous partons en vacances avec une maison de retraite, et vivons les aventures de Léonie, de Marthe.
À l’issue de la représentation, les spectateurs échangent entres eux en se remémorant leurs propres souvenirs d’été.
« Lorsque nous étions enfants, nous ne partions pas en vacances » nous disent Valérie et Alice, âgées d’une cinquantaine d’années, toutes deux habitantes de Montcornet. « Nous restions à la ferme, nous n’étions pas malheureuses. Nos vacances, c’était l’arrivée de parisiens dans leur maison secondaire, avec lesquels nous faisions du vélo toute la journée. »
« Je suis très content de ce que j’ai vu. On vient de reprendre le travail et ce type de spectacle fait un bien fou, ça détend, ça fait sourire, ça émeut ! C’est doux ! Même lorsqu’elles jouent des accrochages, cela reste tendre. Avec la période que nous traversons aujourd’hui, période très anxiogène, cela fait du bien de se laisser transporter dans ce voyage estival, dans cette simplicité de la vie. On a juste envie que cela ne s’arrête pas. » nous dit Jean-Bernard, le sourire aux lèvres.
Le spectacle se jouait à 17h00, mais également à 20h00 afin de toucher le plus grand nombre, pour que tous et toutes puissent se gorger d’été encore un peu, avant l’arrivée de l’automne.
Renseignements :
Compagnie L’Échappée
Mise en scène Didier Perrier
Interprétation Dominique Bouché, Hélène Cauët et Chantal Laxenaire.
Texte et photos : Isabelle Serro