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Seule ma voix dévoile ma réalité

Emmitouflé de gris et de noir, un homme s’avance doucement. Lentement, il glisse comme un ombre. Sortie des profondeurs, sa voix ondule telle un serpent enjôleur transformant ainsi les spectateur·rices en statues de cire. Médusé·es, c’est à peine s’ielles osent respirer. L’homme encapuchonné prend alors place derrière une basse électrique comme s’il s’agissait d’un violoncelle. Et lorsque que l’archet se pose, le serpent invisible s’élance et plonge directement dans le cœur des spectateur·rices.

Il s’est agit là bel et bien d’un envoûtement, ce vendredi 4 août à Quesnoy-sur-Deûle. L’espace d’un instant, puis le temps de redescendre, les spectateur·rices ont totalement oublié être dans un gymnase – lieu de repli pour cause de pluie – pour rêver et voguer vers d’imaginaires contrées.

« Bonjour », a émis timidement l’homme désormais décapuchonné. Bahoz Temaux, puisque c’est ainsi qu’il se nomme, a fait récit de tranches de vie personnelles et fait part de ses réflexions sur son identité.

« Je suis français, même si ça ne se voit pas forcément. » Au travers d’anecdotes depuis son enfance à sa vie d’adulte et de papa, Bahoz Temaux a livré son expérience et son ressenti lorsqu’il a été victime de racisme ordinaire. Le fil de son récit s’est agrémenté de musique, d’acrobaties et de l’ascension d’un perchoir télescopique.

« J’ai un passé de gymnaste, confie Bahoz Temaux, 34 ans. J’ai ensuite été circassien et dans certains spectacles, je suis uniquement musicien. » Mais il aime mêler les trois. Comme avec ce spectacle intitulé « Newroz » porté par la compagnie La Meute. « J’ai déménagé en Bretagne avec ma compagne et mon fils, dans le Morbihan. Les premières années ont été très dures. Le racisme ordinaire rend parano. Dans les regards que je croisais, je me sentais jugé. Je me faisais très souvent contrôler par les autorités. On me faisait des réflexions racistes insidieuses. Après coup, on a la répartie pour se défendre mais pas sur le moment. Voilà pourquoi j’ai voulu créer ce spectacle. Pour enfin répondre. Quand je joue de la musique, je suis beaucoup plus écouté. Des fois, je sens que je touche les gens et qu’ils se sentent agressés avec le simple récit de ma vie. » Le spectacle est encore en cours de création. « Je vais développer la partie cirque. »

Au solde de la performance, les spectateur·rices ont posé des questions. Notamment pour savoir s’il était possible d’écouter sa musique quelque part (et oh ! Grande déception, la réponse est non, pour le moment) et en quelle langue Bahoz Temaux chante. « C’est une langue inventée, a-t-il répondu. Je me suis inspirée de la musique kurde, d’Inde, du Pakistan et de l’Azerbaïdjan. Je n’arrivais à écrire ni en kurde ni en français ni en anglais. J’ai pris des sonorités de par-ci et de par-là. Je me suis dit que de toute façon, la plupart du temps on ne comprend pas les paroles des chansons qu’on écoute. »

Catherine, 58 ans, adjointe au maire, a beaucoup apprécié le spectacle. « Surtout le travail sur le corps. Il sait tout faire ! Et quand il chante, on peut se raconter une belle histoire. »

Tout au long du spectacle, le public s’est demandé si les histoires narrées étaient vraies.

« Oui elles le sont. Je ne suis pas un grand bavard mais j’avais beaucoup de choses à dire. Et je pense que ce spectacle arrive au bon moment par rapport à l’actualité. Il y a toujours eu des violences policières et pourtant les gens l’ignoraient. Je voulais aussi parler des préjugés comme ceux au sujet du style vestimentaire. Ce n’est pas parce que je porte un sweat à capuche que je deale du shit. Il arrive souvent qu’en me voyant, les gens longent les murs et changent de trottoir. »

Texte et photos de Gaëlle Martin

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