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Macha, une femme trompée, désenchantée

  • Nord

PLAINES D’ÉTÉMacha9 septembre – Saint-Sylvestre-Cappel

Des Mots à la Bouche est un estaminet perdu au milieu des champs. Ce lieu incroyable, à la décoration lumineuse et aux moulures dorées, semble avoir été décoré par Antoni Gaudí ou Salvador Dalí. Dans cet estaminet proche de Saint-Sylvestre-Cappel, Dominique Bouckson cuisine et sert un plat unique les soirs du week-end et sur la scène, les artistes défilent. L’endroit ne désemplit pas.

Ce vendredi 9 septembre, Des Mots à la Bouche accueille le spectacle Macha, de la compagnie LaZlo. En maîtresse des lieux, Dominique Bouckson présente la soirée. Elle rappelle qu’ici la représentation se fait « au chapeau » : les convives sont invités à glisser quelques pièces ou billets dans un chapeau pour rétribuer les artistes. Mais pas ce soir, car le spectacle a lieu dans le cadre du dispositif Plaines d’été de la Direction régionale des affaires culturelles des Hauts-de-France qui finance cette représentation.

© Olivier Pernot

La proposition Macha, écrite par Géraldine Serbourdin, est mise en scène par Audrey Chapon. Il s’agit d’un dialogue entre une comédienne, Caroline Mounier, et un musicien, le violoncelliste Timothée Couteau. Macha raconte sa journée, sa vie. Elle est ébouriffée, à renoncer à apprêter ses cheveux. Elle parle de ses produits de beauté, de crème tonique, hydratante, restructurante. Puis elle prend le micro pour dire sur le ton de la confidence : « J’avais décidé de mettre fin à mes jours ! ». Elle ne veut pas vieillir. Elle parle de ses enfants, s’énerve. Elle dit encore : « Je n’ai pas peur de la mort, nettement moins que de la vie ». Parfois le violoncelliste est pris à témoin par la comédienne. Il reste imperturbable sur son tabouret haut et accompagne avec les mélodies de son instrument ce personnage à la dérive, désespéré.

Parfois, la comédienne descend de la mini scène et traverse le public. Ce soir, à l’estaminet, le spectacle a lieu entre le plat et le dessert. Les lumières de la salle sont éteintes, seule la scène est éclairée. Les spectateurs, assis à leur table, sont attentifs et ne ratent aucun mot de Macha. Elle revendique être « alcoolique à l’eau » et il y a d’ailleurs beaucoup de bouteilles d’eau posées sur la scène. Elle est en pleine souffrance depuis que son mari lui a avoué : « J’ai quelqu’un dans ma vie ». Le violoncelle s’énerve alors et déraille, comme Macha, femme trompée, désenchantée, qui voit sa vie basculer.

Durant tout le spectacle, la musique jouée par Timothée Couteau va mettre de la tension, de la mélancolie ou de la tristesse dans ce monologue réaliste. Elle va accompagner Macha dans son introspection. Sa séparation, son divorce la désespère. Elle apostrophe alors un spectateur : « Vous croyez à la force de l’amour monsieur ? Ben, faut pas ! » La comédienne donne du relief à son personnage. Elle tient son texte, le lit, l’interprète, le crie, le hurle, le pleure.

Macha prend alors la voix de son mari et le fait parler dans le micro. Il se trouve des excuses d’avoir trompé sa femme et elle le ridiculise. Pour elle, « c’est comme une tour qui s’effondre », et lui, « il est comme un terroriste car ma vie s’effondre. Il a fait de moi une cocue, une femme trompée. »

Après avoir été exubérante, éructante, Macha se calme. Elle tient le micro et l’ampli, et d’une voix calme, elle décrit les morceaux doux de la vie à deux. Elle dit : « S’aimer, c’est cet éternel recommencement des choses ». Ce final en douceur fait redescendre les spectateurs qui ont écouté et suivi la vie de Macha. La performance de la comédienne Caroline Mounier est remarquable : seule dans son monologue, elle réussit à tenir en haleine le public pendant près de 50 minutes. Tout en affichant une belle complicité avec le musicien qui l’accompagne.

© Olivier Pernot

« Elle a beaucoup de talent », s’enthousiasme Philippe, 65 ans, juste après le spectacle. « Je trouve sa performance exceptionnelle. Le texte de cette pièce est vrai donc il touche. Cela fait réfléchir au problème de la séparation, du divorce. Il est très puissant ce texte, prêt du réel, et l’interprétation est forte. C’est prenant. » Dominique, 72 ans, a, elle aussi, « beaucoup apprécié la performance de la comédienne. » Elle rajoute : « La comédienne a vraiment incarné son personnage. Le texte est très triste et il renvoie à une réalité. J’ai pensé à l’une ou l’autre de mes amies. C’est un spectacle qui ne laisse pas indifférent ! »

© Olivier Pernot

Certains spectateurs ont eu un avis différent. Comme Solange, 52 ans, venue de Morbecque : « Le texte ne m’a pas plu du tout. Il fait référence à des choses de mon passé et j’ai trouvé que la comédienne braillait beaucoup. Ce spectacle est brut et réaliste, et avec un sujet, l’alcoolisme, dans lequel je n’ai pas envie de me replonger. J’ai eu l’impression d’être agressée. » Michel, 76 ans, de Hazebrouck, est plus nuancé : « J’ai reconnu le travail de la comédienne mais j’ai trouvé cette situation du réel assez caricaturale dans le fond, dans le propos. Ce spectacle n’était pas psychologiquement très juste. » Marie, 53 ans, a été elle gênée par le fait que la comédienne ait le texte du spectacle en mains pendant qu’elle jouait : « Je voyais la comédienne qui lisait et je ne voyais plus le personnage qu’elle interprétait. Le texte est fort pourtant. Mais là, est-ce du théâtre ou de la lecture ? Quand c’est entre les deux, c’est gênant ! »


Texte et photos : Olivier Pernot

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