Aller au contenu

Le futur ne s’oublie pas

Chacun·e de nous porte en soi des fragments de mémoire d’un lieu. Bien sûr, ces souvenirs sont purement subjectifs, totalement colorés par les différentes facettes de notre personne, à divers stades de notre vie. Toutefois, ces bribes ont de la valeur. 

L’association lilloise d’art, design et recherche Faubourg 132 a décidé de récolter ces réminiscences en allant à la rencontre d’habitant·es de plusieurs villes. Parmi leurs points de chute, Ault. Léa Barbier et Jason Michel ont tout d’abord rencontré des Aultois·es pour échanger avec elle·ux. Iels ont ensuite fait des recherches dans les archives de la ville puis ont convenu d’un second et dernier rendez-vous, samedi 29 septembre 2023, pour finaliser l’opération. Lors de cette dernière, les Aultois·es ont été convié·es à choisir un souvenir et à le croiser avec une de leur envie pour le futur. Pour ce faire, Léa Barbier et Jason Michel leur ont fourni du papier calque à superposer sur des photographies. Charge aux Aultois·es ensuite de dessiner leur souhait. 


Iels se sont exécuté·es avec une grande application et pendant deux heures, crayons de bois (ou de papier) et de couleur en main, iels ont fait leurs plans. Seul·es ou en équipe. 


Puis, après un verre de cidre bien mérité, la joyeuse troupe s’est dirigée face à la mer en emportant avec elle une curieuse machine conçue spécialement pour le projet. Une sorte de caméra dans laquelle on peut glisser les calques dessinés. Ces derniers se superposent aux paysages choisis. Celui-ci n’est pas fixe. Mouettes, promeneur·ses et autres baigneur·ses sont intégré·es en temps réel à l’expérience. Lorsque le point de vue choisi par un·e participant·e était trouvé et ajusté avec la plus grande précision, le·a participant·e racontait l’histoire en rapport. Léa Barbier a pris grand soin d’enregistrer leurs dires. 


« Les histoires, anecdotes, pas neutres, parfois exagérées voire incorrectes des habitants sont autant de supports permettant de raconter un lieu, a expliqué Jason Michel. Ces mots sont croisés avec les archives. C’est un récit par accumulation. Cela s’intègre à notre projet intitulé Mirage qui consiste à s’interroger sur le futur des territoires. Pour envisager le futur, nous aimons nous pencher sur le passé. » 

Une des particularités de la ville de Ault est que ses contours face mer sont en perpétuels changements. Parfois un simple grignotage mais aussi, de temps à autres, un bel effondrement. Lors de la première séance, un habitant avait raconté qu’à son réveil, la moitié de sa maison s’était éboulée. « Il aurait pu pécher depuis sa chambre ! » ont dédramatisé ses acolytes. 


Raymond s’est rappelé le minigolf. « Il existait avant et j’aimais bien y aller. Des fois, quand on jouait, des balles partaient à la mer. Il y avait toujours du monde. Il y avait aussi un bar. » Désormais, ce sont les calamars et les crabes qui s’adonnent à ce jeu. Les bulots en sont verts de jalousie. Mais sans patte, il est impossible de tenir un club et de tirer dans la balle. 

Marie-Christine s’est remémoré les paillotes dans lesquelles étaient servis des rafraîchissements le long de la digue. Yannick a parlé d’un projet de port de plaisance jadis prévu puis abandonné. « Ça aurait attiré du monde, été comme hiver. Il y aurait eu un kiosque et des gaufres. » 

Jocelyne a imaginé un mur parabolique pour renvoyer les vagues. « On pourrait ensuite réinstaller des cabines et faire des travaux dans ce bâtiment pour en faire un lieu de vie agréable, avec un mur d’escalade, aussi. Des entrées latérales et non face à la mer. » 

Puis, il fut 18 heures. « Moi, je m’en vais, je suis invité à l’apéro. » « Moi aussi. » « Moi aussi, je pars avec vous. » Le banc d’Aultois·es s’en est donc allé, non sans avoir remercié le Faubourg 132 pour le bon moment partagé. 



Texte et photos : Gaëlle Martin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *