PLAINES D’ÉTÉ – Apparitions – 19 septembre – Comines
Comme tous les lundis, le marché est installé sur la Grand’Place de Comines, entre l’église au style néo-byzantin Saint-Chrysole-et-Saint-Pierre et son immense clocher (photo 1) et la mairie avec son beffroi. D’étranges personnages vont venir perturber la quiétude de l’endroit baigné de soleil et de nuages en ce lundi 19 septembre.
La proposition Apparitions a été conçue par la compagnie Cendres La Rouge du collectif Métalu A Chahuter. C’est une performance théâtrale qui se joue dans l’espace public et s’en empare comme d’un terrain de jeu. Devant le stand de la fleuriste, deux personnages s’approchent (photo 2). Lui est habillé d’un long manteau, un chapeau bizarre et une cagoule sur la tête. On dirait un personnage d’un autre temps. Il parle et dirige : « Par ici », « Notez ». Elle, a un chapeau melon qui lui tombe sur les yeux. Des yeux qu’on ne voit pas. Elle porte une valise qui lui sert de bureau mobile. Dans un carnet, elle note (photos 3 et 4). Les clients de la fleuriste sont surpris par ces deux personnages loufoques. C’est sûr, ce doit être des comédiens, se disent-ils. Sabine, la fleuriste, est conquise. « C’est la première fois de ma vie qu’il y a ça sur le marché. C’est cool », s’exclame-t-elle en souriant. Devant le stand, il y a aussi Thérèse, 76 ans, une habitante de Comines : « Je le savais, j’ai vu l’annonce sur Facebook donc je ne suis pas surprise. C’est rigolo comme intervention. »
Les deux comédiens, Sandrine Châtelain et Willy Claeyssens, continuent de faire le tour de la place en marchant. Ils s’arrêtent un moment. Lui, lit son livre registre, il commande toujours son « assistante » et elle écrit (photos 5 et 6). Puis les deux quittent la Grand’Place et rentrent dans la Maison du Patrimoine (photo 7). Ils prennent alors rapidement l’ascenseur et rejoignent leur loge pour se changer : de nouveaux personnages vont apparaître bientôt. Audrey Demouveaux de la compagnie Cendres La Rouge, qui accompagne les comédiens, nous explique alors que la performance a déjà été jouée au Château de Robersart à Wambrechies et au marché de Ronchin. A chaque fois avec deux ou trois comédiens. Cette année, dans le cadre de Plaines d’été, la compagnie a présenté quatre spectacles différents : une lecture musicale (A l’Orée du bois), un spectacle de rue (Les Sœurs Ogórki, diseuses de mère en filles) et deux impromptus théâtraux déambulatoires (Bêtes à cornes et Apparitions).
Willy Claeyssens réapparait, dans un costume d’un autre siècle, portant un cadre de tableau autour de la tête. Comme la Maison du Patrimoine propose à ce moment-là une exposition à l’occasion de la Fête des louches, il s’installe au milieu des mannequins et reste figé. Plusieurs personnes passent, le voient, sourient (photos 8 et 9). Certaines d’ailleurs mettent un moment avant de se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’un mannequin mais d’une personne en chair et en os. Véronique, 63 ans, apprécie : « C’est super sa manière de se fondre dans le décor. Il a une délicatesse dans ses placements, dans ses mouvements. Il ne cligne même pas des yeux. C’est génial ! »
Après avoir « hanté » l’exposition, Willy Claeyssens sort du bâtiment et s’installe, droit, figé, sur un escalier de la mairie. Au loin, la fleuriste le voit et rigole encore. Il s’approche de son stand. Les clients sont contents. Comme Christian, 57 ans : « C’est super et original. J’ai pris des photos. Le chien aboie, il se demande ce qu’il se passe. C’est la première fois qu’on voit ça sur le marché. Ça apporte un côté sympa. » Sandrine, 48 ans : « C’est incroyable la posture, le sérieux. Je kiffe, j’adore », dit-elle en lui offrant un bouquet de fleurs (photo 10).
Puis le comédien continue de parcourir le marché (photo 11) pendant que Sandrine Châtelain arrive dans un nouveau costume, avec des bois de cervidés sur la tête et dans le dos. Elle se déplace lentement, en silence. La comédienne, sérieuse et impassible, se balade dans les allées pendant un moment. Des gens la croisent, très surpris de voir ce personnage étrange (photos 12 et 13). Charline, 64 ans, raconte : « Je me suis dit : « Qu’est-ce que c’est que ça ? ». Ça ne m’a pas fait peur. Je trouve ça beau ». Les deux comédiens se retrouvent ensuite pour aller faire un tour dans le jardin attenant à la Grand’Place (photo 14). Puis ils retournent à la Maison du Patrimoine pour se changer de nouveau.
Les deux comédiens réapparaissent encore, grimés avec des museaux d’animaux et des coiffes poilues. Ils portent toujours des vêtements d’un autre âge et elle transporte deux longs os. Leurs démarches sont bizarres (photo 15). Ils chuchotent, ricanent et font des petits bruits d’étonnements comme si ils observaient les humains (photo 16). Ils jouent par le regard avec un enfant (photo 17), puis le comédien décide d’aller se cacher dans le stand d’un vendeur de vêtements. Il se baisse alors entre les portants, se révèle pour faire une surprise à une passante (photos 18, 19 et 20). Rabah, le commerçant, sourit : « C’est bien, ça me plait. C’est surprenant ».
Devant la fromagerie, les personnages se parlent par onomatopées, rigolent, regardent les gens à côté (photos 21 et 22). « Ah, ils sont chouettes », dit une dame qui s’arrête devant la camionnette. Elle regarde les comédiens et rigole elle aussi. La fleuriste, qui est en face, ne rate rien de l’intervention. Durant toute la matinée, avec leurs personnages clownesques et poétiques, et leurs apparitions surprenantes, les deux comédiens auront ainsi déclenché des sourires et des rires, et apporté beaucoup de gaîté au marché.
Texte et photo : Olivier Pernot