PLAINES D’ÉTÉ – Mots et masques – 14 septembre – Vendin-le-Vieil
Pour Plaines d’été, le Théâtre Diagonale livre Mots et masques, un impromptu avec deux comédiens / danseurs qui communiquent sans se parler. Ce spectacle court et sensible est porté par une trame musicale électronique jouée en direct. Le samedi 14 septembre, les trois artistes présentaient l’impromptu à la Médiathèque de Vendin-le-Vieil.
En ce samedi après-midi, le pôle culturel de Vendin-le-Vieil est bien peu fréquenté. Dans ce même lieu, baptisé Le Trait d’Union car il réunit les deux parties de la ville, on trouve une médiathèque, un conservatoire, différentes salles d’activité et le service jeunesse et sports de la commune. Les trois membres du Théâtre Diagonale se sont installés au fond du grand espace central. Au sol, plusieurs structures cylindrique et cubique, et plus loin, le matériel du musicien Olivier Lautem, un assemblage de machines et un ordinateur. Quelques spectateurs ont pris place sur les chaises posées en face de cette installation.
La première partie de l’impromptu est très visuelle. Les deux comédiens / danseurs, Esther Mollo et David Ayoun, sont de dos. Ils tiennent chacun une feuille devant leurs visages avec leurs mains. En pinçant les feuilles avec leurs bouches, les feuilles tiennent maintenant sans les mains, comme des masques, alors qu’ils se retournent vers le public. Sur les grands bouts de papier sont dessinés sommairement des visages. On remarque rapidement que les danseurs sont pieds nus. Leurs mains et leurs pieds se détachent de leurs costumes tout noirs. Ils entament alors une chorégraphie minuscule avec leurs mains qui se joignent en faisant des gestes amples. Cette séquence se termine quand les deux comédiens mangent littéralement les feuilles qui sont posées sur leurs visages, laissant apparaitre enfin, leurs regards, fixes, et leurs expressions, assez étranges, presque animales.
La musique créée en direct par Olivier Lautem donne une dimension intéressante à l’impromptu. Avec son ordinateur et ses machines, le musicien imagine des paysages sonores électroniques variés. Parfois les pulsions sont rythmées et les danseurs se calent dessus dans des mouvements désarticulés et frénétiques. Parfois, ce sont des plages plus complexes, plus apaisées.
Après la première séquence où les deux danseurs/comédiens utilisent et mangent leurs masques, ils se lancent maintenant dans une chorégraphie de mouvements et de mots. Sans se parler, la communication s’engage avec les mots écrits sur une partie de leurs corps respectifs qu’ils dévoilent au fur et à mesure : « Ça va ? », « Et toi ? », « Non », « Pourquoi ? », « Parce que », etc. Commencée assise, dans une économie de mouvements, leur chorégraphie se déploie ensuite dans la verticalité : les corps prennent possession de l’espace.
Dans leur chorégraphie incertaine, les deux danseurs semblent empêchés, hésitants. Leur relation est faite d’élans, d’esquives, d’hésitations et de faux pas. Ils ne savent pas communiquer et donnent à voir la complexité des relations humaines. Leur conversation est corporelle. L’impromptu Mots et masques parle ainsi de la difficulté à s’exprimer et de la relation que le corps entretient avec le langage. Chaque spectateur est rivé sur chaque geste et chaque expression de ces deux comédiens / danseurs emportés dans ce ballet insolite.
Le spectacle se termine rapidement : il n’a duré qu’une vingtaine de minutes. Les deux comédiens et le musicien entament alors une discussion avec les spectateurs. Ce temps de questions / réponses permet de comprendre la conception du spectacle. Les artistes évoquent le processus de création et les recherches qu’ils ont faites au préalable. Ils parlent aussi des différents endroits où l’impromptu a déjà été joué et de la perception qu’en ont eu des publics variés, des enfants, des étudiants, des adultes, des retraités. Esther Mollo se réjouit que le dispositif Plaines d’été leur permette de tester ce spectacle et de le faire évoluer, avant d’en envisager une version plus longue pour les théâtres.
Parmi les spectateurs, il y a Alain, 55 ans, venu de la commune voisine de Pont-à-Vendin : « Je venais à la médiathèque et je suis tombé par hasard sur ce spectacle. J’ai été surpris : les comédiens ne parlent pas du tout. Je ne comprenais pas trop et je ne pensais pas voir ça. » Il évoque aussi son métier car il y voit des rapprochements avec son travail au quotidien : « Je suis éducateur spécialisé et je travaille avec des autistes. Dans ce métier, tous les jours, nous avons des problèmes de communication à gérer. » Plutôt habitué à des spectacles d’humour, du jazz ou d’autres concerts qu’il va voir avec son fils de 18 ans, Alain a apprécié l’impromptu et le travail des comédiens, avant de préciser : « On dirait qu’ils viennent d’une autre planète ! »
Maryse Brunelle a également assisté à la représentation. Elle est élue à la Ville de Vendin-le-Vieil, adjointe au maire en charge du développement culturel et de la communication : « Ce spectacle est enrichissant. Il m’a beaucoup plu parce qu’il nous interroge. On se pose des questions et c’était bien d’avoir cette discussion après avec les comédiens. C’est juste dommage qu’il n’y ait pas eu plus de monde. »
Texte : Olivier Pernot
Photos © Olivier Pernot