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Ainsi la joie se propage

Un projet un peu fou. Un spectacle de rue d’une heure. Une sorte de cabaret clownesque. Une tournée de dix dates en deux semaines. Plus de 70 km à pieds, sur le territoire vallonné de l’Aisne, avec deux ânes et une roulote. Oui mais les deux comédiens de rue, Franck Willekenes et Jennifer Gattoni de la compagnie Tandem à Plumes, ont pu compter sur la précieuse et enjouée collaboration de la com de com du Val de l’Aisne, de la DRAC Hauts-de-France et des Axonais très investis. Ces derniers se souviendront longtemps de cette incroyable aventure.

« Ils sont super bien accueillis par les habitants, confie Bénédicte Doyen-Mériaux, responsable du tourisme et de la culture à la com de com du Val de l’Aisne. La cie du Tandem à Plumes était déjà venue chez nous lors d’une résidence avec la DRAC. On s’était alors dit que ce serait chouette de faire une vraie itinérance à travers le territoire. Ils ont écrit un nouveau spectacle qui s’appelle Ainsi va la joie. Il a fallu aussi trouver un bon plan de route, avec des voies moins fréquentées et les plus plates possibles. Les gens les accompagnaient. Souvent, pour aider les ânes, soit ils poussaient la roulote dans les côtes, soit ils la retenaient dans les pentes. Et certains habitants les ont hébergés. Ce projet est devenu possible grâce au financement du Val de l’Aisne et Plaines d’été de la DRAC Hauts-de-Somme. On croise les doigts pour que ce dispositif soit poursuivi ! »

Franck Willekenes et Jennifer Gattoni sont comédiens de rue depuis 30 ans. De quoi se forger une belle expérience. Leur spectacle Ainsi va la joie est une succession de numéros, indépendants les uns des autres. « Nous voulions que ce soit accessible à tous les publics, exprime Franck Willekenes. On milite pour des spectacles tous publics partout, gratuits, pour rassembler les gens. » Avec leur roulote, leurs ânes et l’impermanence de leur présence, leur bienveillance, les comédiens jouissaient d’un capital sympathie qui leur a ouvert bien des portes et des cœurs. « Avec les ânes, les gens se disent « on va aller les voir avec les enfants », confie Jennifer Gattoni. Ensuite, ils nous rencontrent et le lien se crée. On s’est dit qu’on avait envie de parler de la joie. Qu’est-ce qui nous met en joie ? Qu’est-ce qui abime la joie ? On a voulu travailler le masque. Serge Rüest, notre regard extérieur – les costumes ont été réalisés par sa femme, Sylvie Berthoux – nous a dit de prendre un masque en nez de lièvre. » 
Les comédiens ont eu l’immense joie et honneur de se faire réaliser des masques par LE facteur de masques de renom Étienne Champion. « En plus d’un moule de nos visages, il nous a demandé la bible de nos personnages, explique Franck Willekenes. C’est-à-dire leur description. Le choix des formes se fait en fonction de ça, en plus des mensurations. » Opter pour un masque nez de lièvre leur a permis d’ouvrir le jeu burlesque.

« Dans le spectacle, il y a un monstre, poursuit Franck Willekenes. Avec lui, nous voulions parler de la peur de l’étrange, de l’étranger, la peur qui abime la joie. La marionnette rencontre des gens qui l’acceptent comme elle est et elle retrouve sa joie, sans être sans cesse confrontée à son étrangeté. »
Dans un autre numéro, le personnage incarné par Jennifer Gattoni manque de se noyer dans une mer d’articles de journaux. Elle est sauvée in-extremis par le public. « On a voulu parler de comment la surinformation, même si elle est de qualité, entraîne une sorte de sentiment d’impuissance. Comment faire pour ne pas se sentir triste face à la complexité du monde. Ça plonge le personnage dans la dépression car elle se prend tout ça de plein fouet. Elle se noie. On parle ici des migrants. Mais elle est sauvée par la solidarité. À plusieurs on est plus fort et on peut sauver des gens. »

Puis, le duo de comédiens a voulu rendre hommage à Serge Rüest, et son Petit theatrum popularem portable, et à travers la narration de sa vie, transmettre l’histoire des théâtres démontables. Dans le spectacle, un théâtre itinérant vient s’installer dans un village. Une histoire d’amour nait ainsi entre un des comédiens et une jeune villageoise. « On a collecté et transposé mais c’est vraiment la vie de Serge. À cette époque, quand un théâtre arrivait dans un village, il y restait 30 jours. Et c’était plein tous les soirs. Les gens sortaient et se retrouvaient au théâtre. »
Le spectacle se termine par une scénette avec un roi qui a décidé que le peuple ne devait pas être en joie. En effet, la joie donne aux gens l’énergie de se regrouper et de s’organiser de manière autonome. « L’homme politique n’est pas essentiel à l’organisation d’une société. » Le roi instaure un impôt sur la joie. L’argent collecté est amassé dans une banque mais celle-ci est pillée par les Robin de la joie et redistribuée au peuple.

Le spectacle a été extrêmement apprécié par le public. « On l’a déjà vu à Villiers, exprime Gina, 55 ans, et on est revenus le voir dans une petite commune pour mieux apprécier. C’est une belle découverte. » « Ah oui ! C’est génial ! Ça m’a même émue. J’arrive pas à exprimer ce que je ressens. Ils se sont adressés à mon âme d’enfant. Je ne pourrai pas assister à leur représentation de demain à Axo-Plage, mais je vais venir les voir avant qu’ils partent, » a confié Sandy, 33 ans.

Avec ce projet, le Tandem à plumes a initié quelque chose de fort. Pendant un instant, les postes de télévision se sont tu. Les gens se sont retrouvés pour contribuer à créer une belle aventure humaine. Sans oublier les ânes Anatole et Zébulon.

Texte et photos : Gaëlle Martin

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