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À la ligne : une immersion bouleversante dans la condition ouvrière au Festival de Landifay-et-Bertaignemont

Ce dimanche 8 septembre 2024, à 15h, le village de Landifay-et-Bertaignemont a vibré au rythme d’une prestation théâtrale inédite : À la ligne, une pièce bouleversante qui a su captiver un public venu en nombre, curieux de découvrir cette adaptation du premier roman de Joseph Ponthus. Présentée par la Compagnie L’Échappée, associée à la Scène Europe de Saint-Quentin, cette œuvre, forte d’une écriture à fleur de peau, a livré un portrait poignant de la condition ouvrière.

Pendant quarante minutes, le spectateur est plongé dans le quotidien d’un ouvrier intérimaire, embauché dans les conserveries de poissons. Chaque geste du travail à la chaîne est décrit avec une infinie précision : le bruit assourdissant, la fatigue écrasante, la répétition déshumanisante. Mais à travers cette pénibilité, l’ouvrier trouve une issue inattendue : ses souvenirs d’une vie antérieure, peuplée de littérature et de poésie. C’est une victoire provisoire contre l’aliénation, une échappée vers la beauté des poèmes d’Apollinaire ou les chansons de Trenet. L’écriture, tour à tour drôle, coléreuse et fraternelle, réinvente la vie ouvrière comme une odyssée moderne où chaque ou tonne de bulots devient un cyclope à vaincre.

La simplicité de la scénographie – un rectangle au sol, une armoire métallique, un banc – magnifie la proximité avec le public. Installée devant la mairie du village, la scène devient un espace intime où s’exprime toute l’humanité de cette œuvre. Laurent Nouzille, bouleversant dans le rôle principal, incarne avec justesse l’ouvrier de la douleur et de l’honneur, donnant vie aux doutes, aux espoirs, à la colère, mais aussi à l’amour et aux moments de tendresse avec son chien, Pok Pok, ou son épouse. Ce théâtre de la proximité, touchant par sa sincérité, fait naître un dialogue entre deux mondes, sans jugement ni division.

Cette prestation est soutenue par un accompagnement musical minimaliste mais percutant, une batterie et une basse, évoquant tour à tour le rythme implacable de la chaîne de production. Le rythme haletant de la production industrielle devient alors un chant où l’on retrouve, comme une bouffée d’air, les chansons populaires chères à l’auteur.

Ce qui frappe dans À la ligne, c’est la justesse avec laquelle la pièce relie deux univers, deux classes, sans les opposer. Ici, pas de ponctuation, mais des traits d’union qui construisent des ponts entre les hommes, unifiant leurs souffrances et leurs moments d’échappée.

Après la représentation, un échange intense avec le public et le metteur en scène Didier Perrier a prolongé cette expérience théâtrale exceptionnelle. Les spectateurs, encore sous le choc de cette « déflagration mentale et physique », ont partagé leur ressenti avec émotion. Ce dialogue, riche et passionné, a révélé l’impact profond de cette œuvre sur chacun des présents, soulignant à quel point cette pièce résonne avec notre humanité commune.

À la ligne est une expérience théâtrale qui fait écho bien au-delà de la scène, évoquant des réalités sociales souvent invisibles, mais racontées avec une infinie sensibilité. Un moment rare où le théâtre devient un miroir de nos sociétés, questionnant sans opposer, dénonçant sans condamner.

DISTRIBUTION
Réalisation : Compagnie L’ÉCHAPPÉE
Écriture : Joseph PONTHUS, Éditions de La Table Ronde (2019)
Co-Mise en scène : Mélanie FAYEDidier PERRIER
Interprétation : Laurent NOUZILLENoëllie THIBAULT
Musique : Chantal LAXENAIRE
Décor : Alexandrine ROLLIN

Texte et photographies : © Isabelle SERRO

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