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Récital en état d’ivresse chez Rita à Roubaix

  • Nord

Pour sa participation au dispositif Plaines d’été, la compagnie Protéo propose le spectacle Hedda. Quatre représentations avaient déjà au lieu dans différents endroits de la région : Ruminghem (pour le festival Just For You’rte), Herzeele, Dunkerque et Prisches. Le jeudi 2 septembre, c’est Chez Rita, immeuble roubaisien qui accueille des ateliers d’artistes, que se jouait une nouvelle séance de ce spectacle éthylique. Un impromptu que la metteure en scène Louise Wailly présente comme un spectacle de clown punk.

© Olivier Pernot

En ouverture, Louise Wailly prend d’ailleurs la parole avec malice pour prévenir les spectateurs : « Elle a beaucoup tourné, en Asie, aux Etats-Unis. Hedda est originaire de Dunkerque mais elle revient ce soir dans la région. Je vous demande de faire un tonnerre d’applaudissements pour l’accueillir ! » La comédienne Camille Dupond déboule alors dans une légère robe de chambre rose pâle à fleurs. Elle s’accroche immédiatement au micro et se met à chanter, accompagnée de son musicien Simon Hopin-Vena. Véritable homme-orchestre, celui-ci est entouré de tous les instruments qu’il va utiliser dans le spectacle : guitare, basse, grosse caisse, machines, cymbale. Parfois, il frappe même sa cymbale avec le bout de sa guitare en même temps qu’il en joue.

© Olivier Pernot

Entre chaque morceau, qu’elle a écrit et qu’elle interprète comme une sorte de Catherine Ringer déglinguée, Hedda raconte sa vie, ouvrant le piano/ buffet derrière elle pour en sortir des souvenirs et surtout ses bouteilles d’alcool. Hedda boit, beaucoup, beaucoup trop. Le bruit du bouchon d’une bouteille qui s’ouvre rythme sa vie et son spectacle. Dès qu’elle entend ce bruit, elle est proche de l’orgasme. Elle sait que l’alcool la tue à petit feu et elle se laisse glisser. Son tour de chant est un naufrage éthylique, qu’elle arrive à mener par son charisme et sa voix. « J’adore son autodérision, le trash qu’elle se permet et le côté humoristique du spectacle », commente Jérôme, 43 ans, comédien. « La comédienne développe une super palette d’émotions et elle arrive à bien embarquer le public dans son histoire. »

Les spectateurs sont complètement séduits par ce concert-spectacle déjanté. Comme Martine, 74 ans, et Jean-Pierre, 77 ans, qui viennent de Dunkerque. « C’est un peu surprenant comme spectacle », concède Martine. « Elle arrive sur scène pas vraiment habillée… Mais elle a bien mené son rôle. C’est clownesque. Ça nous a plu. On a bien rit même si on n’a pas trop l’habitude d’aller au théâtre. On y va rarement. » Jean-Pierre enchaîne : « C’est particulier ce spectacle. On ne pensait pas que ce serait aussi moderne. » S’ils sont venus de Dunkerque, c’est que Camille Dupond n’est pas une inconnue pour eux : c’est leur nièce. Et les extravagances de la comédienne les ont bien fait rire.

Camille Dupond n’hésite pas à se mettre presque à nu. Elle se ridiculise aussi quand elle essaie de mettre une robe et n’y arrive pas (elle doit finalement se faire aider par une spectatrice). En plus de sa voix, le corps de la comédienne, qu’elle montre sans pudeur, est au cœur du spectacle. Ce qu’a remarqué Hugo, 29 ans, Roubaix, photographe d’art contemporain, étudiant au Fresnoy : « La gestuelle, le travail du corps m’a impressionné. Il y a une « désensualisation » de la diva. Cette diva est malmenée et c’est ce qui m’a intéressé en particulier dans le spectacle. »

© Olivier Pernot

Entre deux chansons, la comédienne attrape un livre intitulé Soignez-vous par le vin et elle en lit quelques passages. Puis elle énumère un grand nombre d’expressions sur l’éthylisme, dont la savoureuse « Patron, une perfusion et ne t’assois pas sur le compte-gouttes ! » Les rires du public vont crescendo au fil de l’énumération.

© Olivier Pernot

Outre ses qualités de musicien, Simon Hopin-Vena est le partenaire scénique de Camille Dupond, sa béquille quand elle titube, son confident quand elle a trop bu. Parfois, il quitte son petit siège pour prendre part au spectacle. Il parle peu mais il est bien présent, par ses gestes, ses mimiques. « On ne se sait pas s’il est seulement musicien », analyse Hugo. « Il intervient par petites touches et on se pose la question « Il joue ou il ne joue pas ? ». C’est perturbant ! » Ce que confirme Marine, 33 ans, originaire d’Etampes et accompagnant Hugo : « Le duo marche parfaitement car le clown s’appuie sur le musicien pour faire son spectacle. Un spectacle où il y a plein de détails, où chaque instant est teinté d’humour. »

Marine a également été impressionnée par la comédienne : « Elle sait jouer aussi avec le public, improvise avec son corps, sait rebondir avec des répliques quand elle interpelle certains spectateurs. » La comédienne n’hésite pas ainsi à discuter régulièrement avec une spectatrice, comme un fil rouge dans le spectacle, puis à venir s’assoir sur ses genoux. Camille Dupond « drague » aussi un spectateur des premiers rangs, puis roule par terre, attrape une bouteille de bière posée là et en boit une gorgée. En incluant le public à son intervention, la comédienne casse les barrières entre scène et salle. Et les spectateurs du soir sont ravis de cet impromptu aussi clownesque que punk.

© Olivier Pernot

Cette représentation a permis à plusieurs spectateurs de découvrir ce lieu d’art qu’est Chez Rita. Comme Jérôme : « Le dispositif Plaines d’été est super : il permet pour les artistes d’avoir une belle série de représentations et pour le public de découvrir des compagnies et des lieux inédits. Je ne connaissais pas Chez Rita et je suis très content d’avoir découvert ce lieu très convivial. J’en envie maintenant d’y revenir pour voir ce qu’il s’y passe. » Marine venait également pour la première fois Chez Rita : « Je découvre le lieu, c’est très sympa, c’est un lieu vivant. »


Texte et photos par Olivier Pernot

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