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Poésie urbaine et sans gravité à Lille

  • Nord

PLAINES D’ÉTÉ – Haïku(s) In Situ10 septembre – Lille

Le soleil et le vent balaient cet après-midi du samedi 10 septembre 2022. La résidence Jeanne Leclercq, dans le quartier de Fives à Lille, accueille le spectacle Haïku(s) In Situ, imaginé par Paul-Emmanuel Chevalley et la Compagnie Tourne Au Sol. À 15 heures, il y a encore peu de monde dans l’allée-jardin entre les deux bâtiments. Puis quelques habitants commencent à sortir peu à peu de chez eux et à venir voir ce qu’il se passe. Pour démarrer, une circassienne se lance en équilibre sur un fil alors qu’est diffusée une musique jazz rythmée et dansante (photos 1 et 2).

Puis la comédienne Bernadette Gruson explique comment va se dérouler la suite du programme (photo 3) : il s’agit d’une promenade poétique dans les étages d’un des bâtiments. La Compagnie Tourne Au Sol travaille autour des haïkus, ces courts poèmes d’origine japonaise qui évoquent les saisons et les sensations. Elle en propose quatre déclinaisons : Haïku(s) Lab1, recherche corporelle autour de la forme poétique courte ; Haïku(s) 2, l’esquisse d’une pensée bègue ; Recueil d’haïkus et Haïku(s) In Situ, promenade poétique. C’est cette dernière variation qui est présentée aujourd’hui.

Pour Bernadette Gruson, il s’agit d’un moment particulier car l’impromptu va se dérouler dans la résidence où elle habite elle-même. « La résidence Jeanne Leclercq et deux autres résidences gérées par SIA Habitat ont un logement pour un artiste, avec une pièce atelier pour travailler », explique Sabria Mahmoudi, chargée de mission développement social à SIA Habitat. « Dans leur convention, en échange, les artistes doivent réaliser un projet dans la résidence. Que ce soit une exposition, un atelier ou un spectacle. Bernadette habite là et elle voulait faire quelque chose autour du cirque. »

L’impromptu présenté dans le cadre de Plaines d’été est en réalité une proposition hybride qui marie lecture et jonglage, haïkus et mouvements. Pour commencer, la vingtaine de personnes présentes, adultes et enfants, grimpe les escaliers d’un des bâtiments pour se retrouver sur une large terrasse inondée de soleil et de nuages. Après avoir expliqué ce que sont les haïkus, Paul-Emmanuel Chevalley invite chacun à fermer les yeux, à respirer profondément et à ressentir les sensations sonores, l’odeur, la chaleur, le poids de son corps, son sœur qui bat, etc. (photo 4). Ce moment suspendu met en condition les spectateurs qui écoutent ensuite un haïku et la promenade démarre, en marchant lentement.

Au fil des étages que nous descendons, les trois performeurs, Bernadette Gruson, Madeline Wood et Paul-Emmanuel Chevalley, jouent dans les espaces. Sur une rampe d’escalier (photos 5 et 6), en jonglant avec des massues dans les marches (photos 8 et 9), en dansant en équilibre sur une plateforme (photo 12). Et il y a des haïkus, le fil rouge de cette promenade. Un haïku est lu par Madeline Wood (photo 7), un autre est écrit en direct et lu par Bernadette Gruson (photo 11), un autre passe entre les mains des interprètes et des spectateurs, avec écrit dessus : « Foudre et tonnerre, à chaque éclair, le monde guérit. ». Sur la dernière plateforme, Paul-Emmanuel Chevalley jongle encore (photo 13). Puis les interprètes regroupent les spectateurs au milieu de l’espace et se lancent dans une danse frénétique autour de nous. Ils nous frôlent, nous poussent doucement et finalement entourent un jeune participant (photos 14, 15, 16 et 17). Les spectateurs sont ensuite invités de nouveau à fermer les yeux, « pour se remémorer un moment de cette promenade qui nous a touché, puis à les rouvrir pour revenir au présent. »

En rejoignant l’allée au rez-de-chaussée, un goûter est proposé aux enfants (photo 18), puis certains testent le fil et cherchent l’équilibre. Tous, petits et grands, sont éblouis par le spectacle singulier et original qu’ils ont vu. Comme Grégory, 38 ans, accompagné de sa fille Andrea, 5 ans : « Je viens d’arriver dans la résidence et c’est une bonne manière de découvrir les bâtiments et les habitants. Je loge justement dans un atelier logement, en tant qu’écrivain et artiste visuel. C’était très bien cette trajectoire, de visiter chaque étage, de voir comment les enfants se mélangeaient au spectacle. C’était beau comme spectacle avec la perte de l’équilibre comme fil rouge. Il y avait de beaux moments poétiques. » Autre habitant de la résidence, Saadi, 56 ans, présent également avec sa fille, Syrine, 8 ans : « Visuellement, c’est intéressant. Je connais Bernadette donc je ne suis pas surpris. Si on rentre vraiment dans le spectacle, on ferme les yeux. Et si on est dedans, on peut être ailleurs. C’est apaisant ! »

Dorothée, 47 ans, est également venue voir l’impromptu avec ses trois enfants, Mélany, 15 ans, Amély, 14 ans et Davy, 11 ans. « C’était surprenant comme spectacle. C’était parfait. Mon moment préféré, c’est quand nous avons dû fermer les yeux. J’ai fait de la sophrologie et je me suis revue à ces moments-là. » Mélany, elle, a trouvé le spectacle « très bien » : « J’ai aimé quand il jonglait avec les massues. Les textes étaient poétiques et j’aime bien la poésie. » Amély, enfin, a tout aimé, que ce soit l’équilibre sur le fil ou la promenade : « C’est super bien que ce spectacle ait eu lieu dans notre résidence ! »


Texte et photos : Olivier Pernot

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