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Après-midi poétique à Tourcoing

  • Nord

Les spectateurs s’installent tranquillement dans l’herbe des jardins de l’Hospice d’Havré à Tourcoing. Ce dimanche 19 septembre en milieu d’après-midi, la Compagnie Rêvages a délimité une « scène », avec devant, des livres posés au sol et, derrière, un fil tendu entre les arbres avec des photos suspendues et trois petits panneaux reprenant le nom du spectacle : « Un vers dehors ». Le public attend patiemment… quand déboulent derrière eux les trois comédiens. Ils marchent allègrement, chacun un livre à la main, en train d’en lire un extrait à haute voix.

© Olivier Pernot

Les comédiens traversent le carré d’herbe. Ils s’accroupissent devant des petits groupes de spectateurs et continuent leur lecture. Puis ils rejoignent leur espace scénique et présentent les textes qu’ils viennent de lire : les trois sont écrits par des femmes, des poétesses. Sarah Lecarpentier a imaginé ce spectacle : « Je travaille sur la poésie depuis longtemps et chez moi, j’ai fait un constat tout bête : sur vingt-huit recueils, il n’y en a que deux écrits par des femmes. Cela m’a interpellé et m’a donné envie d’en faire un spectacle, autour des poétesses. »

© Olivier Pernot

Pendant que le musicien Simon Barzilay s’installe derrière son clavier, les deux comédiens, Sarah Lecarpentier et Thomas Baelde, proposent au public à voyager. Egypte, Côte d’Ivoire, Japon, Etats-Unis, etc., un spectateur est invité à choisir un pays. Puis un des comédiens lit une courte biographie pour faire deviner une poétesse. Et après la révélation de son nom, ils lisent un poème d’elle. Les personnes présentes se prennent au jeu et découvrent ainsi la poésie d’Andrée Chédid, de Tanella Boni, de Sadako Kurihara, d’Emilie Dickinson. Et aussi celle de la Française Olivia Ovida Delect.

© Olivier Pernot

« À l’école, on nous a bassinés avec les poètes, mais pas avec les poétesses ! », constate Luc, 65 ans, venu de Nieppe. « Et finalement, on en connait peu. Donc le sujet du spectacle est intéressant car il nous fait découvrir toutes ces femmes. » Un avis que partagent Djamila, 45 ans, et Linda, 43 ans, deux habitantes de Tourcoing : « « Nous avons voyagé avec ce spectacle. C’est magnifique », commente Linda. « Chaque histoire est touchante. J’ai écouté les textes et je suis vraiment partie ailleurs. J’ai beaucoup aimé le texte de Tanella Boni. Cela me donne envie de lire ce qu’elle a écrit. » Djamila, elle aussi, a été conquise : « J’ai appris qu’il y avait toutes ces poétesses. »

© Olivier Pernot

« Le point commun de toutes ces femmes », précise Sarah Lecarpentier, « C’est que la poésie est une forme de résistance et cela dans le monde entier. Ces femmes montrent comment on peut résister avec les mots. Finalement, c’est un spectacle féministe… sans l’être car il n’est pas culpabilisant. D’ailleurs, il y a deux hommes pour l’interpréter avec moi. » Après les écrivaines, le spectacle présentent plusieurs chanteuses, « car elles sont aussi des poétesses. » Les comédiens expliquent : « La poésie peut s’écrire et se lire, mais elle peut aussi se chanter. » Les spectateurs découvrent donc des paroles de Nina Simone, de Françoise Hardy et aussi de Mylène Farmer.

Ce moment de chansons a été apprécié par Christine, 38 ans, et ses deux filles Colette, 9 ans, et Edmée, 6 ans, venues d’Haubourdin. « J’ai aimé quand les comédiens chantaient », s’enthousiasme Edmée. Sa grande sœur, Colette, a elle « aimé qu’on puisse participer, le côté jeu du spectacle ». Leur maman a trouvé que « le spectacle avait un côté interactif et ludique », ce qui le rendait « léger et fluide ». Même si le sujet de l’impromptu était sérieux : « Il parlait de poétesses qu’on ne connait pas et ça donne envie d’en lire et d’en écouter. » Une impression ressentie également par Charlotte, 69 ans, la femme de Luc : « La façon de déclamer les textes, cela nous prend immédiatement, cela nous captive, surtout avec l’accompagnement du piano. »

© Olivier Pernot

Pour terminer le spectacle, Sarah Lecarpentier se lance dans un exercice périlleux et parfaitement maîtrisé : elle improvise un slam. Les spectateurs ont écrit sur des ardoises un mot entendu dans le spectacle. La comédienne rebondit ensuite d’un mot à l’autre, imaginant en direct un texte qu’elle slame. « C’est comme une poésie improvisée », confie-t-elle. « En voyant les mots, j’ai une idée d’où je veux aller et ces mots me servent d’alphabet pour atteindre le but. Toujours en gardant cette idée de résistance qu’il peut y avoir dans la poésie. » Pendant le slam, et pendant tout le spectacle, le musicien Simon Barzilay accompagne en douceur les textes. Il tisse avec son clavier de fluides mélodies qui se mêlent aux rythmes des phrases prononcés et à la force des mots. Sa musique rend légère et renforce en même temps les poésies.

© Olivier Pernot

À la fin de l’impromptu, les comédiens distribuent des poèmes aux spectateurs. Les textes imprimés étant délicatement enroulés avec un ruban rouge. Pour que chacun reparte avec un petit bout de poésie. La vingtaine de spectateurs présents a le sourire d’avoir passé un moment de découverte et de culture. « Nous sommes venues par hasard », racontent Djamila et Linda. « Le spectacle était bien et, en plus, c’est dehors et il fait bon. » « C’était un après-midi très agréable », commente Christine. « C’était d’autant plus chouette que ça soit dans un parc, ouvert à tous, avec des personnes qui sont tombés sur ce spectacle par hasard. On voit aussi que les comédiens ont plaisir à jouer ce spectacle. »


Texte et photos par Olivier Pernot

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