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Une caisse à outils pour harponner les imaginaires

À Laventie, devant la médiathèque Lavent’ure, Moby Dick a ressurgi des profondeurs… d’une caisse à outils, dans une version miniature et malicieuse signée La Rustine. Théâtre d’objets, humour et bricolage : un cocktail inattendu pour (re)découvrir les grands classiques dès 7 ans.

Installé au bord du parc, face à la façade de la médiathèque Lavent’ure, un établi usé par les années trône, prêt à faire surgir de ses tiroirs un récit de la littérature mondiale. Dans ce décor minimal, un seul comédien, Romain Smagghe, de la compagnie La Rustine, embarque le public pour un voyage sensoriel et fantaisiste au cœur de Moby Dick.

Un établi pour tout décor

« Avec Quincaillerie, l’idée c’est de faire un feuilleton à partir des grands classiques de la littérature », explique le comédien, on commence avec Moby Dick, qu’on revisite en 30 minutes, en théâtre d’objets. Et l’idée, c’est que ça donne envie de lire, ou de découvrir d’autres adaptations. Il y en a plein. C’est aussi un moyen de transmettre ces récits à ceux qui ne les connaissent pas. Hier encore, aucun des enfants ne connaissait Moby Dick, et même parmi les adultes, beaucoup ne connaissaient pas vraiment l’histoire. »

Pour donner vie à cette odyssée de papier, La Rustine n’utilise ni projecteur ni effets spéciaux, mais un attirail d’outils de récupération, détournés en accessoires narratifs. Une caisse à outils en fer incarne la redoutable baleine, les monstres marins jaillissent de clés, marteaux ou limes… Et les enfants s’y retrouvent : « Ils ont tout de suite reconnu la baleine, les monstres marins… C’était plutôt les plus grands, 7-8 ans, mais ça fonctionne. C’est ça ma grande question, moi : est-ce que les codes du théâtre d’objets sont assez explicites ? Là, ils m’ont rassuré », sourit Romain.

Quand la quincaillerie devient théâtre

Le spectacle, prévu pour les enfants à partir de 7 ans, a pourtant séduit un public bien plus large : plus jeunes et plus âgés semblaient captivés. Invités par la municipalité et la médiathèque, les enfants du centre aéré étaient assis sur des tapis, entourés de leurs animatrices, pendant que quelques mamans avaient pris place derrière, bébé sur les genoux.

« Mes touts petits n’ont pas compris grand-chose je pense, mais ils ont été attentifs. Et puis franchement, c’est un spectacle aussi pour nous », glisse une maman dans un sourire. Jonathan, 7 ans, n’a pas boudé son plaisir : « C’était génial. J’ai tout deviné ! J’ai vu les animaux, c’était original. Il faut beaucoup d’imagination. Mon préféré, c’était la baleine. »

L’ambiance était simple et chaleureuse. Quelques rires, beaucoup d’attention, et des visages concentrés. À la fin, le comédien est allé saluer les spectateurs un à un. Les enfants sont venus spontanément lui parler : « C’était trop bien ! On n’a même pas eu peur ! C’est une super idée ! »

Un spectacle qui évolue au fil des représentations

 « On avait déjà l’idée de ce nouveau format, mais Plaines d’été nous a permis de donner le coup de pédale. C’est un super dispositif pour tester une version de rue. Et depuis, on a déjà pu jouer quatre fois, dans des cadres très différents », raconte Romain. Du parc ouvert de Méricourt à la base nautique d’Haverskerque, en passant par une médiathèque à Merville ou une scène ombragée à Laventie, chaque date devient un laboratoire. « J’ajuste, je modifie, j’apprends. Chaque représentation fait évoluer le spectacle. »

La programmation des Plaines d’été, portée par la DRAC Hauts-de-France, est également saluée par les partenaires. L’adjointe à la culture présente ce jour-là ne cache pas son enthousiasme : « C’est la troisième année que nous accueillons des propositions dans ce cadre, et on dit toujours oui. C’est un moyen concret de démocratiser la culture. On sait que si on attire les enfants, les parents suivent. »

Du côté de la compagnie, l’accueil réservé par l’équipe de la médiathèque fait aussi la différence. « Ici, on a senti que les gens s’étaient vraiment emparés de la proposition. Rien que de voir qu’il y avait une petite affiche, qu’on nous attendait, qu’on nous propose un café… C’est des détails, mais ça change tout. Il y a une vraie attention. C’est fluide, c’est généreux. Et pour nous, artistes, ça compte beaucoup. »

Quincaillerie poursuivra sa route cet été avant sa première officielle au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières, en septembre. Et déjà, Romain pense aux épisodes suivants : « Pourquoi pas Frankenstein, Dracula… Des récits universels, à réinventer, à faire résonner dans l’espace public. »

Texte et photos : Sidonie Hadoux

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