La chorégraphe et danseuse Anne-Sophie Lancelin de la Cie Euphorbia illumine de ses mouvements le trio n°2 de Chostakovitch, dans sa création intitulée L’Étau. Ce moment suspendu, périlleux et captivant s’est tenu sous le soleil de l’été dans le cadre magnifique du château d’Hardelot.
En plein cœur de l’été, durant cette belle journée ensoleillée du jeudi 15 août 2024, le château d’Hardelot est l’endroit idéal pour accueillir la performance chorégraphique de la danseuse Anne-Sophie Lancelin. Une scène a été montée devant le château et le public, une centaine de spectateurs, s’est installé tranquillement sur la pelouse. Lors de ce jour férié, plusieurs spectacles sont proposés et ce solo de danse ouvre les festivités en milieu d’après-midi. Toute de noir vêtue, la danseuse grimpe sur la scène et la musique démarre : il s’agit du trio n°2 pour violon, violoncelle et piano de Dimitri Chostakovitch. Une œuvre écrite en 1944 dans laquelle le compositeur exprime son rejet de la guerre, de sa dureté et de son absurdité.
Cette pièce musicale, d’une petite trentaine de minutes, devient la bande son de cette performance périlleuse et captivante. L’interprète danse debout, avec des gestes lents, des membres qui se balançent ou s’effrondrent. Le corps entier de la danseuse est happé par cette musique pleine de tiraillements et de tensions, de fluidité qui s’affole parfois. Dans les moments où le rythme crépite, la chorégraphie s’accélère, se densifie. Le public, constitué de beaucoup de familles, de parents avec leurs enfants, est concentré, porté par la musique et par ce spectacle envoûtant.
La pièce musicale se décompose en trois mouvements. Cela donne une chorégraphie en trois parties qu’un spectateur, Olivier, 54 ans, a regardé avec attention : « La danseuse nous amène dans son univers. Elle nous fait passer par différents sentiments avec les différents mouvements du solo, l’éclosion, la vie et l’extinction, et toutes les turbulences qu’il y a dans ces parties. Ce spectacle est très construit, avec des passages plus intenses. J’ai apprécié même s’il y a quelques longueurs. » Olivier est venu en famille, avec sa femme, Isabelle, 52 ans, et sa fille Suzane, 15 ans. Cette dernière est conquise par la prestation : « J’aime beaucoup la danse et j’en fais moi-même, du contemporain, du hip-hop, du modern jazz. Ce spectacle contemporain, c’était bien et pas commun dans un endroit comme le Château d’Hardelot. Je n’ai pas trop l’habitude de voir ce genre de spectacle, un solo contemporain, et c’était très beau. On voit qu’il y a eu un long travail d’écriture et de répétitions. »
Venue de Lille, la famille est installée sur des transats. Après le spectacle, Isabelle donne également ses impressions : « Quand nous sommes sur la Côte d’Opale, nous venons souvent au Château d’Hardelot. J’ai beaucoup aimé ce spectacle. Ce solo était très technique, pour un public averti. La danseuse a beaucoup à montrer avec une chorégraphie contemporaine, mais aussi quelques mouvements hip-hop et du mime. Et puis, il y a cette musique, elle te prend et ne te lâche pas. C’était original, c’était une belle surprise. Je vais suivre ce que cette danseuse propose comme autres spectacles car j’ai envie de la revoir. Nous sommes très sensibles à la danse car nos trois filles en ont toutes faites. » Olivier complète le propos de sa femme : « En plus le cadre du château est top, avec cette grande pelouse. C’était un spectacle étonnant pour ce genre d’endroit ! »
Au fil des trois parties du spectacle, la danseuse dévoile une chorégraphie qui évolue. Elle est parfois ensorcélée et le corps de l’interprète se retrouve emporté dans les variations de la musique. La veste qu’Anne-Sophie Lancelin porte à certains passages devient un élément de ses mouvements. Elle joue avec comme avec l’espace. A d’autres moments, la danse est plus physique, contrainte, en équilibre. Les gestes se situent alors au niveau des bras, voire même des doigts. Cette minutie invite le spectateur à se concentrer sur cette danse du détail. Le visage de la danseuse est souvent fermé, concentré. On pourrait le croire en souffrance tant les expressions de ce visage miment l’effort, la douleur, et s’accordent à la tristesse de la musique. Dans le final, le visage de la danseuse redevient expressif et la chorégraphie s’endiable. Au moment des applaudissements, les spectateurs apparaissent époustouflés. Dans ce lieu ensoleillé et bucolique, ils ne s’attendaient pas à voir une telle performance.
Comme Virginie, 32 ans, orginaire de Charleroi en Belgique, qui a assisté au spectacle avec une amie : « Nous avons décidé de passer un long week-end sur la Côte d’Opale et nous avons vu qu’il y avait des animations aujourd’hui au Château d’Hardelot. Je m’attendais à une troupe de danse. Là, cétait un solo et pour une danseuse seule, elle maîtrisait complètement ce qu’elle faisait. Je vais toujours voir deux ou trois spectacles de danse par an même si je n’ai pas trop la fibre artistique. Ce solo était surprenant et divertissant. J’ai beaucoup aimé. »
Texte : Olivier Pernot
Photos © Olivier Pernot et CG62