PLAINES D’ÉTÉ – Folk Songs & Love Songs – 25 août – Steenwerck
En cette fin de journée du dimanche 25 août, la compagnie Les Tritons réunis présentait le récital Folk Songs & Love Songs au Musée de la vie rurale à Steenwerck. Une cinquantaine de spectateurs s’est installée tranquillement dans la grange au lin pour apprécier ce programme sous le signe du voyage. Un voyage autant instrumental que vocal.
Les trois musiciens des Tritons réunis ont posé leurs instruments dans la grande au lin du Musée de la vie rurale à Steenwerck. La chanteuse Alice Fagard prend la parole avant le début du concert pour présenter le récital Folk Songs & Love Songs : « Nous allons vous proposer un voyage assez lointain et diversifié. Ce que nous allons jouer sont des chants d’amour parsemés de passages instrumentaux empruntés à Jean-Sébastien Bach. » Et elle prévient : « Je vais chanter en vingt-deux langues ! » Le mot utilisé de « voyage » est parfait car les trois instruments font voyager les spectateurs, dans des sonorités bien différentes et dans des époques anciennes. Ce qui fait écho au lieu du concert, ce musée qui raconte la vie d’autrefois dans les campagnes.
Dans l’ambiance détendue de cette fin de dimanche après-midi ensoleillée, ce qui séduit d’emblée lors du récital, c’est la douce complémentarité des trois instruments et de la voix. Adrien Alix joue de la viole de gambe, cet instrument à sept cordes qu’il coince entre ses genoux et ses mollets. Il en joue avec un archet qu’il pose parfois pour faire vibrer la viole directement avec ses doigts qui pincent les cordes. Nadia Bendjaballah est une adepte du vibraphone, cet instrument dont elle tire avec ses baguettes des sonorités délicieuses. Aurélien Mérial complète le trio des instrumentistes avec ses deux saxophones, un modèle alto, classique, et un modèle baryton, aux envolées basses et profondes. Au chant, Alice, Fagard est la maîtresse de cérémonie : sa voix porte et transporte les auditeurs dans les différents registres qu’elle parcourt.
Le concert est découpé en plusieurs séquences. Chaque musicien présente et raconte l’histoire de son instrument. Nadia Bendjaballah explique d’abord ce qu’est un vibraphone ; cet instrument à percussions inventé au début du 20e siècle est un cousin du xylophone. Sa particularité : les différents sons sont produits en frappant des lames de métal avec des baguettes aux bouts arrondis. La musicienne rajoute aussi des effets avec les pédales de son instrument. Après la présentation, elle se lance dans un extrait d’une sonate écrite pour violon, qu’elle joue donc en solo au vibraphone. Avec deux baguettes dans chaque main, le toucher de la musicienne sur les lames est d’une belle délicatesse. Le morceau qu’elle interprète est comme une douce berceuse. Ce moment en suspension enchante les spectateurs.
Les quatre musiciens sont habillés en noir. Cela rajoute de la solennité à leur récital. Ce qui est marquant, c’est leur complicité et leur concentration. Parfois, les regards des musiciens se croisent et on sent qu’ils se comprennent immédiatement. Parfois, certains ferment les yeux pour s’imprégrener encore plus de la musique qu’ils jouent. Ensemble, ils dégagent beaucoup d’émotions et le public, très à l’écoute, ressent toutes ces vibrations lumineuses.
La présentation des instruments continue. Adrien Alix explique sa viole de gambe, un instrument à sept cordes né il y a cinq siècles. Il explique que c’est « comme une guitare jouée avec un archet ». Les explications données par les musiciens sont simples et bienvenues. Adrien Alix raconte aussi que les trois instruments, viole de gambe, vibraphone et saxophone, n’ont, à priori, rien à faire ensemble car ils sont d’époques différentes et de trois couleurs distinctes : cordes, percussions et vent.
Aurélien Mérial se penche également sur l’histoire de son instrument : sa création par Adolphe Sax en 1846, les différents modèles de saxophone, les genres musicaux dans lesquels il est employé. Le musiciens joue ce jour-là avec un saxophone alto et un saxophone baryton dont il tire de multiples et enchanteresses sonorités, que ce soit dans des pièces courtes de quelques dizaines de secondes ou des morceaux plus longs.
Alice Fagard a aussi présenté son instrument, sa voix. Elle explique le répertoire joué, soit des chants d’origines traditionnelles que se sont réappropriés des compositeurs, dans différents registres et époques : baroque, classique, tango, contemporain, etc. Pendant tout le récital, la mezzo-soprano a montré toute l’étendue de ses capacités. Avec sa voix, elle est tout à tour enchanteresse, puissante, récitante, captivante, vibrante, implorante. La chanteuse va aussi jouer avec le public : elle lui fait faire des essais de voix de poitrine et de voix de tête. Alice Fagard se balade également entre les spectateurs. Elle se pose devant certains, toujours en chantant, puis se faufile entre les rangées de chaises. Pendant tout le récital, le public est attentif et les applaudissements entre les morceaux sont fournis. Au fil du concert, les applaudissements sont plus longs, plus sonores et le quatuor fera un rappel en demandant aux spectateurs de chanter une berceuse, en leur précisant : « Mettez-y toute la tendresse qui est en vous ! »
Les spectateurs sont enthousiastes au moment de donner leur impression sur le récital. Chantal, 79 ans, est venue de la petite ville d’Erquinghem-Lys : « Le spectacle était super. C’était très intéressant car les musiciens expliquent bien les instruments qu’ils jouent. La musique est reposante en même temps. J’ai vu qu’il y avait ce concert et je suis venue, toute seule. A mon âge, je suis toujours curieuse. C’était très agréable et les musiciens sont très sympathiques. Ils ont le sourire et la chanteuse a une super voix ».
Simona, 61 ans, habitant à Provins, et Daniel, 65 ans, venu de Paris, étaient aussi présents lors du récital. Daniel est critique, spécialisé dans l’opéra. Il porte un regard averti sur la prestation des musiciens : « Ils créent un joli climat poétique. Cela s’est vu dans le silence et dans l’écoute du public. L’acoustique du lieu était d’ailleurs étonnamment très bonne. Ils ont un répertoire exigeant. Il y a une subtilité artistique et ce récital est une clé d’entrée au répertoire classique. » Simona renchérit : « Je connaissais deux ou trois pièces qu’ils ont jouées. C’est très étonnant cette association d’instruments. C’est un pari audacieux et cela fonctionne. Il y a une belle complémentarité des musiciens. »
Croisés dans le jardin du musée après le concert, Sylvie, 67 ans, et Eric, 66 ans, ont fait le déplacement d’Hazebrouck pour assister au concert. Sylvie prend la parole en premier : « Nous connaissons les musiciens personnellement. Nous les avons rencontrés quand ils ont joué en duo au musée de Cassel et nous avons sympathisé. Depuis nous les suivons et nous allons à leurs concerts. Ils nous ont fait découvrir leur art et l’association qu’ils font avec les différents instruments est incroyable. Aujourd’hui, j’ai voyagé en écoutant leur concert. J’écoutais tout simplement : il y a un bonheur, une quiétude dans leur musique. Nous les voyons heureux de jouer et de partager ça avec le public. » Eric conclut : « C’est la première fois que nous les voyons à trois musiciens et une chanteuse et c’était très bien. C’était un concert de haute volée et en même temps très accessible. En plus, le lieu se prêtait vraiment bien à l’écoute de leur musique. »
Texte : Olivier Pernot
Photos © Olivier Pernot