PLAINES D’ÉTÉ – Un monde sans… – Cie Sens Ascensionnels – 31 août – Anzin
Créé en 2010, le spectacle Un monde sans… de Christophe Moyer et la Cie Sens Ascensionnels a déjà beaucoup vécu sur scène, avec une centaine de représentations, beaucoup dans la région Hauts-de-France et aussi un peu partout en France. « Il y a une parole populaire, qu’on entend dans la rue ou dans les cafés et qui n’est jamais sur scène. J’ai été pendant trois ans en résidence à Grenay et j’ai écouté les gens parler. Un monde sans… est librement inspiré des rencontres que j’ai faites avec les habitants, pour faire écho à leurs préoccupations, qu’elles soient légitimes ou irrationnelles. Ce spectacle montre ainsi un personnage féminin perdu dans le monde d’aujourd’hui, qui cherche des boucs émissaires et qui finit par faire le choix du vote extrême. »
Avant la représentation, le metteur en scène Christophe Moyer vient se présenter et parler rapidement de la pièce qu’il a écrite aux spectateurs. Il raconte le parcours du spectacle depuis dix ans et sa particularité : il peut se jouer partout ! D’ailleurs, il s’est souvent déroulé directement chez des habitants ou dans des cafés. Pas de scène, pas d’éclairage. Juste une table haute suffit. Comme cet après-midi du 31 août, dans le jardin du CAPEP, une association d’éducation permanente, de formation et d’insertion sociale située à Anzin. C’est la 7ème date que la compagnie Sens Ascensionnels fait pour le dispositif Plaines d’été. « Précédemment, nous avons joué sur une place de village, au bas d’une barre HLM, dans un centre social », se souvient Christophe Moyer. « Nous étions peu venu dans le Valenciennois et j’avais envie que le spectacle y tourne, en particulier pour un public éloigné de la culture. Cela a pu se faire grâce à Plaines d’été et avec l’aide de la salle Le Boulon, à Vieux-Condé, qui nous a aidés à nous mettre en contact avec différentes structures, dont le CAPEP. ».
« Pour cette représentation, nous avons invité des personnes en situation d’illettrisme et des personnes venant de quartiers en difficulté », précise David Cambier, directeur du CAPEP. « Toute l’année, nous leur proposons des sorties pour les ouvrir à la culture. » Là, c’est le spectacle qui vient directement à eux. Surtout quand déboule la comédienne Sophie Descamps dans un grand manteau rose. Elle surprend les spectateurs bien installés dans le jardin. Elle arrive derrière eux en grommelant, une machine à pain dans les bras. Elle zigzague entre les chaises avant de rejoindre une table haute posée à même le sol.
Dans ce spectacle en monologue, le personnage raconte sa vie et son désespoir. Écrasée par le poids du quotidien, de son mari et de ses trois enfants, cette femme déraille et cherche des responsables à son existence qui ne lui plaît plus. Elle imagine un monde sans… gosses, sans vieux, sans voisins, sans pigeons, sans pauvres, sans étrangers, etc. Elle bascule progressivement dans l’intolérance, dans le repli sur soi et dans la peur de l’autre. Au départ, les spectateurs sont un peu décontenancés, puis ils se détendent, sourient et commencent à rire sur certains passages drôles. Ce texte donne aussi beaucoup à réfléchir. Il les interpelle. Surtout que le personnage joué affiche une grande proximité, dans son langage et dans sa manière d’être.
La force de la comédienne Sophie Descamps est d’habiter pleinement ce personnage, avec beaucoup de gestuelles de bras, de mains, des mimiques, des grimaces, ses yeux qui deviennent ronds. Ce personnage expressif lâche des phrases comme « J’ai trois enfants, vous pensez que j’ai le temps de réfléchir ! », « On pourrait croire que j’arrête pas de me plaindre » ou « Faut pas me prendre pour une conne ! ». Autant de phrases déjà entendues qui donnent toute la véracité à ce texte et le réalisme à ce spectacle.
À la fin de la représentation, Christophe Moyer et Sophie Descamps engagent la discussion avec les spectateurs, sur la vieillesse et la fin de vie. Puis ils développent différents thèmes sociétaux comme les stéréotypes et les craintes de chacun. Et aussi la difficulté d’être bombardé en permanence par l’information venue des médias et par le prisme déformant des réseaux sociaux. Le public est à l’écoute. La discussion se continue ensuite dans une salle du CAPEP, autour d’une table et d’un verre. La condition de la femme et celle de mère, et toutes les difficultés qu’elles peuvent avoir, sont au cœur de l’échange. Et pour que le spectacle engage une réflexion positive, les participants imaginent « un monde avec » pour trouver des alternatives : Qu’est-ce qu’on fait de nos vieux ? Comment on garde un contact avec les jeunes ?, etc.
Texte et photos : Olivier Pernot
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