Les membres de l’association Terre-Tous de Ons-en-Bray (60) accueillaient, mardi 24 juin, une adaptation de la pièce Sois un Homme, écrite et mise en scène par Vincent Écrepont et interprétée par Teddy Bogaert et Laurent Stachnik, de la Compagnie À vrai dire. Une représentation soutenue par la DRAC Hauts-de-France dans le cadre de la programmation 2025 des Plaines d’été.
Sois un Homme parle de virilisme et de masculinisme. Des schémas qui emprisonnent et maltraitent les femmes, bien sûr, mais aussi les hommes. Des moules que, générations après générations, nous tentons de briser. Néanmoins, la matière dont il est fait est si robuste que tout juste est-il possible de l’effriter petit à petit. L’entreprise est encore longue mais chaque poussière compte.




Pour cette série de représentations, la compagnie a choisi d’utiliser un minimum de décors. Quelques bancs pliants seront tour à tour un lit, une barrière, un cercueil mais aussi… un banc. Les deux acteurs alterneront dans les rôles père-fils à des âges différents mais aussi camarades. Leurs conflits et leurs échanges mettent en lumière le poids écrasant des traditions, des masques, des rôles et à quel point il est difficile de s’en affranchir pour avoir la possibilité d’être soi et d’agir en fonction de son cœur.




La séance s’est soldée par un échange avec le public. « C’est décapant ! Un beau texte avec des mots qui vont à l’essentiel, s’est écrié Hervé, 65 ans. Homme, père, fils, on a vécu tous les côtés. Je me suis vu en tant que fils et en tant que père. C’est comme un héritage, ce genre de rapports. De génération en génération. C’est long pour se débarrasser de tout ça. Aujourd’hui encore, il est considéré que pour être un homme, il faut être fort. Et c’est similaire dans toutes les classes sociales. »




« J’ai eu tellement de difficultés avec mes ados, s’est confiée Cécile, 63 ans. Avec mes beaux-fils, et ma fille aussi. J’ai eu trois maris et donc une famille reconstituée. Mon fils a perdu son père très jeune. C’est important, un père, un modèle. Moi, le mien était absent. Je suis partie très vite de la maison. J’étais un peu le mouton noir de la famille. »
Michèle, 72 ans, estime qu’il y a une montée du virilisme. « Ils n’ont pas d’autres clés, explique-t-elle. On ne leur a pas montré autre chose. Ils ont des difficultés à être autrement que les couilles en avant. Ces individus ne sont pas bien dans leur peau. Ça aussi, c’est très présent. La pièce de ce soir touche à l’intime. Le contenu et la façon dont vous incarnez les personnages, c’est très émouvant. »




Vincent Écrepont a avoué avoir mis très longtemps avant d’oser dire, mettre en mots ses ressentis. « Utiliser le JE, oser parler à la première personne. Notamment à travers le personnage de Laurent, qui se cherche et dit JE ne suis pas d’accord avec toi papa. Quand on est parent, comment accompagner au mieux les doutes et les délires de son adolescent, ses excès comme ses fragilités, ses besoins d’indépendance comme ses manques de confiance ? Quelle est l’évolution dans les modèles de construction de soi au fil de ces trois dernières générations ? Je tenais aussi à ce que la place de la femme soit interrogée. Elle fait beaucoup réagir les jeunes filles lors des représentations dans les collèges, par exemple. L’homme a théorisé sa supériorité à partir d’un mythe, celui de la virilité sur lequel se fondait un ordre non seulement sexuel mais aussi social, économique, politique et religieux. »
Vincent Écrepont considère que depuis quelques décennies, ce modèle de toute puissance est en pleine déconstruction. « Cette création n’aborde pas seulement les représentations de la masculinité. Elle interroge les situations déclenchantes et les personnes inspirantes dans la construction d’identité à cette période fondatrice qu’est l’adolescence. »
« Y a des familles où tout se passe bien, » a lancé un spectateur optimiste.
Texte et photos : Gaëlle Martin