PLAINES D’ÉTÉ – Hélice Sensible – 20 septembre – Roubaix
Présentée par le collectif LAC Project, la pièce chorégraphique Hélice sensible était jouée le samedi 20 septembre au centre d’art contemporain L’Espace Croisé, situé dans le Couvent des Clarisses à Roubaix. Cette proposition, dansée par Mathieu Calmelet, est un tourbillon sensoriel saisissant.




« C’est la première fois que notre compagnie participe à Plaines d’été. C’est intéressant comme expérience et le bilan est très positif ! », se réjouit Ludivine Large-Bessette, chorégraphe et plasticienne du collectif LAC Project. Sur scène, son acolyte, le chorégraphe, danseur et musicien Mathieu Calmelet, vient proposer leur nouvelle création, Hélice sensible. Cette performance immersive mêle danse, musique et sculpture sonore autour d’un impressionnant rotor de trois mètres de haut. « Grâce à Plaines d’été, nous avons pu confronter notre travail artistique à des publics que nous ne rencontrons pas forcément, dans des lieux sportifs, des lieux culturels, des écoles », continue la chorégraphe. « C’était super de se déplacer pour aller voir différents publics dans des endroits qu’on connaît peu. Nous avons pu échanger avec le public, expliquer la pièce notamment à des enfants de 5 ans à 12 ans. Certains n’avaient jamais vu de spectacles. C’était important d’avoir un temps d’échange car cela peut être un peu déstabilisant pour eux vu que notre spectacle n’a pas d’histoire. »



Hélice sensible est une pièce chorégraphique saisissante. Il faut se laisser envahir par cette proposition. Une imposante et énigmatique sculpture trône au milieu de l’espace de la salle voûtée de L’Espace Croisé. Une longue corde jaune est posée au sol. Le danseur Mathieu Calmelet s’attache à la taille avec un bout de la corde et vient insérer l’autre bout dans la machine. Quand il redescend de la sculpture, il tend la corde. Et quand il se recule, la corde glisse lentement dans la poulie de la machine et cela la met en mouvement. Trois hélices situées à la tête de la sculpture commencent à tourner comme les pales d’un hélicoptère. Le danseur joue ensuite avec le poids de son corps pour actionner plus ou moins vite cette machine de métal et de lumières. A chaque tour d’une hélice, un son de cloche électronique, mat et doux, retentit.





Le bout de corde finit par sortir de la machine. Mathieu Calmelet se lance alors dans un ballet tournoyant pour ranger cette corde. Ses mouvements sont fluides, précis. Puis il se détache et pose la corde enroulée sur un bord de l’espace.



Libéré de ce lien qui le reliait à la machine et qui enserrait sa taille, le danseur entame une chorégraphie aérienne. Il forme des cercles, les mains tendues vers le ciel. Ses bras sont comme des hélices alors que la musique continue d’être expérimentale, minimaliste, avec un son électronique continu, caractéristique du genre drone ambient.





Mathieu Calmelet enfile ensuite une sorte de costume : un haut avec des bouts de cordes comme des tentacules. Il attaque alors une danse plus frénétique, comme secoué par des vagues d’électricité, avec des mouvements de corps ou de tête d’une grande animalité. Dans le même registre drone ambient, la musique est prenante, presque angoissante, toujours intense. L’impeccable diffusion de la musique, avec quatre petites enceintes sur des pieds et un caisson de basse, joue un rôle très important car la musique englobe la pièce et transporte les spectateurs dans l’univers de cette œuvre saisissante.
Puis la musique tourne au ralenti, avant de se muter encore en un morceau techno lent et lourd. Une sorte d’apothéose où le corps du danseur se libère : il danse autour de la structure, le visage en sueur et une grande force se dégage dans son regard. Les trois hélices de la sculpture tournent alors à grande vitesse alors que la techno est devenue plus mélodique, onirique. Mathieu Calmelet tournoie comme un derviche dans ce final captivant. Au bout de 25 minutes, le voyage est terminé.
Créée mi-juillet pour Plaines d’été, la pièce Hélice sensible devrait être visible sur d’autres scènes dans les prochains mois. « Ce spectacle a été pensé pour être accessible à tous », précise Ludivine Large-Bessette. « C’était chouette de pouvoir le tester lors de Plaines d’été et de l’ajuster au fur et à mesure. Nous aimerions que cette pièce tourne maintenant. Et toujours dans cette version de 25 minutes, car c’est pertinent pour le jeune public et cela nous permet d’être tout terrain ! »






Laurence, 57 ans, et Roland, 56 ans, étaient dans le public. Ils sont venus voir le spectacle par hasard. Laurence raconte : « Nous habitons à Bouvigny-Boyeffles dans le Pas-de-Calais. Comme aujourd’hui ce sont les Journées du Patrimoine et que nous sommes curieux, nous avons décidé de venir à Roubaix pour découvrir le Musée de la Piscine et la mosquée. Puis nous sommes venus au Couvent des Clarisses et on nous a proposé de voir ce spectacle. Ce n’était pas le but de notre journée et ce sera un petit plus, un bon souvenir dans cette journée des premières fois car nous n’avions jamais vu de spectacle de danse contemporaine. »
Roland est enchanté : « C’était un beau spectacle. J’ai apprécié ce lien entre l’homme et la machine. Le danseur a des liens autour de lui. Il a du mal à s’en débarrasser alors que la machine finit par se débarrasser de lui ! Ce spectacle a une belle rythmique musicale avec cet artiste qui évolue en solo. C’est bien synchronisé. J’ai bien aimé. C’est à voir ! ». Et il laisse sous-entendre qu’il pourrait revoir un autre spectacle de danse. Laurence est plus dubitative : « C’était impressionnant comme spectacle. Et c’est particulier aussi. Voir d’autres spectacles de danse contemporaine ? Non, ce n’est pas mon truc ! »


Le amis Enzo, Alexiane et Sophie, tous les trois approchant la trentaine, sont davantage habitués à l’univers artistique : ils sont respectivement danseur, plasticienne sculptrice et compositrice de musique électronique. Enzo est le premier à réagir : « C’est toujours jouissif de voir comment la musique et le corps peuvent communiquer. Ce spectacle était très méditatif et très progressif pour arriver à une sorte d’apothéose. Le danseur arrive à contrôler cette machine assez impressionnante. Cette proposition, comme tous les formats courts fonctionnent bien pendant les Journées du Patrimoine ! »
Alexiane est tout aussi conquise par la pièce : « Ce spectacle est très beau et très puissant. En permanence entre des états de tension et de détente. Avec la sculpture et les mouvements du danseur qui peuvent aller vite ou au ralenti. Cette sculpture est énigmatique, hypnotisante. Elle a une rigidité qui s’oppose à la fluidité des « costumes » du danseur. J’ai bien aimé la liberté du corps. Il s’émancipe peu à peu de cette sculpture, de cette machine et prend de l’espace. Je suis très contente d’avoir vu cette représentation car je connais le travail de la compagnie mais je n’ai encore jamais vu un de ses spectacles. » Enfin, Sophie est venue à pour le week-end de Munich où elle réside : « J’ai trouvé ce spectacle captivant. Les mouvements perpétuels, je trouve toujours cela relaxant. Cette la pièce est incroyable, avec un sound design qui va de l’ambient à quelque chose d’énergique. La danse matche beaucoup avec la musique. Avec une résistance entre la danse et la machine, et ça monte progressivement en intensité ! »
Texte : Olivier Pernot
Photos © Olivier Pernot

