« – C’est quoi ?
– Une cabane »
« Tu peux rentrer dessous mais sans le bâton. Non ? Alors ça ne marche pas tu ne rentres pas. »
« – Pourquoi y’a ça ?
– Je sais pas, mais s’il pleut les gens ils vont pas aimer. »
« Tu crois qu’on peut aller voir ?
– Je sais pas. Peut-être que c’est à quelqu’un mais en même temps y’a personne et c’est tout vide.
– Bon, vient, on repassera, j’ai faim. »
Mais quelle est donc cette drôle d’installation qui a poussé au milieu de la forêt du parc de d’Olhain, à deux pas de l’espace Food truck et d’une scène où on lieu en ce début d’après-midi, les derniers réglages avant les concerts prévus dans le cadre du Bivouac festival ? Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne laisse pas indifférents les passants qui ne peuvent s’empêcher d’y poser leur regard.


Il faut dire qu’elle interpelle avec sa forme de tente et sa toile blanche sur une face et multicolore de l’autre, parfois ajourée de quelques trous. Son petit nom est « À qui appartiennent les creux ? » et cette installation est signée Diane Marissal et Jérémie Leblanc-Barbedienne. « Nous nous sommes demandé comment créer des dispositifs pour montrer de la peinture en plein air. Nous avons travaillé sur une structure existante, celle de la serre. Nous y avons fixé une toile, sur laquelle nous avons débuté un travail de peinture en aplat. », explique Jérémie. Une toile peinte d’un bleu doux, par endroit recouverte de motifs eux aussi colorés, et qui révèlent, lorsque le soleil vient frapper la structure, les empreintes délicates qu’a laissé le pinceau derrière lui. « Nous avons également découpé la toile à certains endroits, afin de permettre aux gens de regarder au travers pour que s’opère une rencontre entre l’intérieur et l’extérieur. », poursuit Jérémie.




Mais qu’y projettent les passants ? Est-il facile d’entrer sous cette tente, de se pencher, de se hisser sur la pointe des pieds pour regarder ce que l’on peut observer du dehors à travers les trous ? Tout ceci, en tout cas en ce samedi après-midi ne semble pas si simple. Les enfants sont curieux, viennent parfois chiper quelques bâtons qui ont été disposés devant la structure pour créer un petit chemin boisé, histoire d’encourager, de montrer aux curieux-un-peu-timides qu’ils peuvent y aller. Ils courent parfois sous la tente avant de se faire rattraper par leurs parents et de devoir continuer la balade. Quant aux adultes, il faut l’avouer, cette structure n’est, si on les écoute, pas vraiment faite pour eux. Ainsi, lorsqu’on demande à Michaël ce qu’il voit alors qu’il passe aux abords d’À qui appartiennent les creux ? il répond du tac au tac : « Une maison pour les gamins, il y a plein de couleurs et il n’y a pas de hauteur suffisante pour des grands je pense. Sinon, c’est juste une tente percée. » Ywann lui aussi voit quelque chose de l’enfance dans cette installation, il cite les couleurs également, douces et puis « la forme de la tente qui rappelle les cabanes que l’on faisait à la maison avec les draps. »


« L’installation éveille la curiosité, provoque la surprise mais les adultes se tiennent toujours un peu à l’extérieur », constate Diane, au regard des différents impromptus que le duo d’artistes a pu jouer dans des campings, à deux pas de structures gonflables ou dans des médiathèques. « Cela renvoie à la question de l’intime, montre les pudeurs que l’on a, là où les enfants ont un peu plus de facilités à y pénétrer lorsqu’on les y invite, s’y allonger… » Tom, designer, s’approche alors et demande s’il peut regarder d’un peu plus près. « Ce qui m’intrigue, ce sont les matériaux utilisés, la structure. Je me demandais si les motifs étaient peints ou alors si c’étaient des stickers. Si les formes représentent quelque chose ou pas… »


Tandis que la discussion s’engage entre lui et l’artiste, Michaël fait son retour, portable à la main. « Je peux la photographier ? » Il prend alors plusieurs clichés de l’installation, s’accroupit, cherche le bon angle et finit par échanger quelques mots avec Diane. C’est peut-être ici que tout se joue. Passer une première fois, observer et puis au bout de plusieurs dizaines de minutes, lorsque finalement la proposition artistique a infusé en vous, parfois à votre insu, s’autoriser à revenir, comme appelé, aimanté. En somme, laisser les pleins et les creux du temps faire leur œuvre.


Texte et photos : Clémence Leleu