« Y a pas du cirque normalement à 14 heures ? » « Si si, ça va arriver. » « Ah chouette ! Je suis venu avec mes filles. Je suis content de leur faire reprendre une vie normale. »
Pourtant, est-ce la vie normale de croiser des jongleurs au détour d’une rue ? En allant faire quelques emplettes ou poster une lettre ?
« Bravo les gars, vous êtes supers ! » s’écrit cette habitante gouailleuse du quartier Pierre Rollin. « Vous amenez de la joie dans la cité. Chapeau à vous ! »
En effet, alors que le navire semble prendre l’eau de toutes parts, quelques irréductibles s’échinent à cultiver la joie de vivre. Sans exclure qui que ce soit, bien au contraire.
Ainsi, pour la deuxième année consécutive, le centre culturel Jacques Tati, au cœur du quartier Pierre Rollin à Amiens organise son festival Playtime. Une série d’après-midis proposant des ateliers et des spectacles en tous genres. Le but étant d’investir l’espace public et d’aller à la rencontre du public. Au programme des réjouissances du 15 juillet, la Compagnie Circographie. Trois jeunes jongleurs qui, d’ordinaire, jouent davantage des formes écrites dans des théâtres. Climat pandémique oblige, ils ont expérimenté avec gourmandise l’exercice de la rue en improvisant à la fois avec les mobilier urbain et les passants. Parmi ces derniers, il y en a toujours pour qui l’invitation à la légèreté semble se rapporter à une agression mais d’autres apprécient qu’on leur bouge les lignes.
« Il n’y a pas assez de jongleurs ! Confie Brigitte, 60 ans. Les spectacles de rue, ça se perd. Mais il ne faut pas ! Il en faudrait beaucoup plus ! Des gens qui jouent de la musique aussi. » Avec son amie Viviane, 71 ans, elles n’en ont pas loupé une miette derrière leurs lunettes de soleil.
Les jongleurs se sont représentés à plusieurs reprises. Certains spectateurs sont restés pour tout l’après-midi. Comme Claude, 68 ans, fièrement installé à la table centrale de la place. « Ça égaye le quartier. Ça faisait un petit moment qu’on ne sortait plus. On restait chez nous. Là, il y a de l’animation, c’est agréable. »
Oui, cette dernière année a été compliquée, particulière. Parsemée de drames pour certains, sans la possibilité de se rassembler pour mieux pleurer la perte d’un être cher, se lover dans des bras amicaux. Toujours la crainte du virus et finalement de l’autre. Mais cet après-midi d’été, les copines du quartier se sont rassemblées. « Ça fait du bien de rencontrer à nouveau des gens, ça retisse du lien et redonne vie au quartier, » a exprimé Danièle, 67 ans.
« Ça fait du bien de les voir courir enfin ! » sourit cette jeune maman. « Enfermés toute la journée dans un appartement, c’était vraiment dur pour eux ! »
Pourtant, beaucoup de gens ont encore peur de sortir, ou ont tout simplement perdu cette habitude. Un grand renfort de jongleurs n’est pas superflu pour inciter à pointer le bout de son nez et profiter. Du spectacle et de la vie.
Photos et textes : Gaëlle Martin