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Livraisons de mots dans les rues de Bois Blanc

  • Nord

Depuis le début du mois de juillet, une joyeuse silhouette sillonne en bicyclette les rues et places du quartier des Bois Blancs à Lille. Un livreur ? Oui, mais porteur d’une livraison peu commune : des chansons. Sidonie Hadoux a suivi Boris Dimny, fondateur de la compagnie DMT et Jérôme Verwaerde, comédien, à l’occasion de leur dernière tournée de la saison.

Il est 10h30 ce mercredi 3 août. Début de journée. Début de mois. Et plein été. Le soleil chauffe déjà le bitume et les briques rouges du quartier des Bois Blancs à Lille. Certains habitants ont gardé les volets fermés et les passants se font rares dans les rues. Ambiance estivale dans une ville désertée par les chanceux.ses parti.e.s en vacances.

Pourtant, une livraison originale se prépare. A l’ombre dans le gymnase Youri Gargarine, Jérôme Verwaerde enfile sa chemise satinée rose et son sac à dos « DMT Livraison ». Boris Dimny, son complice de l’ombre, termine de télécharger les nouvelles chansons pour la dernière tournée de la saison. Les mélodies sont écrites, chantées et enregistrées par Boris. Ensuite, c’est Jérôme qui se chargent de les livrer. « Tout l’enjeu est de composer vite entre deux tournées », explique Boris. Les chansons sont écrites à partir des retours et des récits des personnes qui ont reçues une livraison lors des tournées précédentes. Nous avons eu des choses très intimes, continue Boris, parfois les gens se livrent. Le fait de s’adresser à un téléphone permet de créer une grande intimité avec les spectateur.ices ».

« On part à la pêche » lance Jérôme. C’est parti. La cargaison est pleine. Il enfourche son vélo et part à la rencontre des habitants. Boris le suit de près, discrètement, mais « à hauteur de wifi » pour pouvoir lancer les chansons. Le comédien dirige son antenne vers un premier couple de passants, tapis de yoga sous le bras. Iels sortent de la boulangerie et Jérôme accélèrent les bips à l’aide d’une application sur son téléphone, accroché à son bras.

– « Vous avez commandé quelque chose ? » demande le livreur

– « Non, répondent les passants amusés »

– « ah ba si, regardez sur le téléphone ! Il est écrit le monsieur avec un tapis de yoga sous le bras. C’est bien vous ! »

Le tour de magie technologique opère : le couple rit et accepte la livraison. Pendant que Jérôme ouvre son sac pour dévoiler un téléphone filaire orange pétant, Boris choisit la musique qu’il va livrer. « Il y a différentes musiques et différents textes, je choisis en fonction des gens rencontrés », confie Boris.

Les livraisons se succèdent, et les personnages aussi. Parfois amusé.e.s, souriant.e.s ou peureux.ses, les personnes livrées ne restent jamais indifférentes à la manœuvre. Iels écoutent les textes et les musiques jusqu’au bout. Puis, une voix venue du combiné les invite à expliciter leurs ressentis. Alain répond en chantant alors qu’une dame à la jolie robe rouge demande comment se faire livrer d’autres chansons quand elle sera chez elle. Un monsieur assis à la terrasse d’un café confie son émotion. Deux jeunes buvant un thé s’amusent de leur embarras. Certains en revanche refusent même la livraison par manque de temps ou par peur.

A la fin de l’été, la compagnie publiera les chansons collectées en ligne afin que tout le monde puisse les écouter, se reconnaitre ou s’identifier aux différents récits. « Dans la phase d’écriture, on préserve l’anonymat des passants, on mélange les différentes histoires, il y a ainsi une part de vrai et une part de fiction ».

L’heure est venue de clôturer la tournée. Un passant croise les deux compères. « Je vous ai vu tout à l’heure, c’est cool ce que vous faîtes », lance celui qui se prénomme Max. « Mais vous n’avez jamais été livré ? » demande Jérôme. Max annonce qu’il est pressé, il doit prendre son train. Trop tard. Le téléphone sonne. Boris a tout juste eu le temps d’envoyer la description du passant sur le téléphone de Jérôme. « Ah on dirait bien que j’ai une livraison pour vous en fin de compte ! » s’amuse Jérôme.

– « Bon aller, je ne sais vraiment pas dire non ! ».

Max s’assoit et écoute avec joie la chanson qui lui ait réservée. Le passant raccroche : « merci pour ce moment, c’est impromptu, c’est le cas de le dire ».

Clap de fin. Toutes les chansons ont été livrées.


Photos et textes : Sidonie Hadoux

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