Constituer le plus grand imagier du monde. Voici qui ne manque pas d’ambition. Mais image après image, sait-on seulement où cela nous mènera ? Peut-être vers l’infini et l’au-delà ! (N’oublions pas que l’infini n’est pas forcément grand).
Quoi qu’il en soit, tel est le beau défi initié par le Collectif Marie et Gotié à l’occasion de Plaines d’été. Pour bien ce faire, le duo a imaginé et construit un astucieux meuble-malle à tiroirs, pliable, transportable et merveilleusement bleu turquoise rétro. On y trouve tout ou presque ce qui est utile à l’élaboration de cet imagier. Matériellement. Pour les illustrations, Marie et Gotié vont directement voir les gens. Vendredi 29 juillet, ils étaient à la Bibliothèque Édouard David. Cette dernière occupant encore pour quelques temps les locaux de l’école de musique le Diapason au quartier Étouvie d’Amiens.
Le thème choisi pour cet imagier est l’activité régissant le quotidien des humains. « Juste avant, nous étions au Cardan et comme le public est surtout constitué des femmes au foyer, nous avons travaillé d’après l’activité domestique pour les mamans et les jeux et les devoirs à la maison pour les enfants, explique Marie Grimal. Nous déterminons un verbe lié à un geste ou une activité. » Par la suite, plusieurs options pour illustrer cela. L’élaboration de tampons en gomme à graver, de la sérigraphie, des cyanotypes. Il est bien sûr tout à fait possible de tout faire. Avec l’aide, les conseils et la douceur de Marie et de Gotié, les images se composent avec subtilité.
« J’ai choisi de faire un bonhomme qui joue de la flûte, explique Alexandre, 10 ans. Parce qu’avant je prenais des cours au Diapason. J’ai arrêté mais je vais reprendre ! Ce que j’ai fait aujourd’hui, c’était la première fois que je faisais ça. J’ai aimé faire mon dessin, retirer des bouts dans la gomme et tamponner. »
On peut choisir d’emporter avec soi le tampon confectionné ou de le laisser. Certains ont choisi la deuxième option, ce qui enrichi le matériel. Par ailleurs, il est très agréable et empli de sens de composer une illustration avec des tampons réalisés par des personnes de diverses horizons. Une collaboration anonyme qui ne manque pas de poésie.
Avec la matière déjà recueillie au Cardan et dans les Esat, Marie et Gotié ont composé différents fascicules. « À la fin, il y aura une grande édition avec également des associations de verbes qui ne veulent pas dire la même chose suivant les métiers. » Par exemple, le sens de « carotter » diffère selon si on est escroc professionnel ou si on est tailleur de pierre.
« On demande aux gens de créer du sens entre les différentes images, poursuit Marie. Les fascicules servent simplement à archiver ces verbes d’actions. »
Martine, 68 ans, est restée tout l’après-midi. « Ça m’a plu ! » oui, ça se voyait. Martine s’est exercée à chaque discipline proposée avec envie, gourmandise et extrême application. « Il y avait beaucoup de choses que je n’avais jamais fait. Comme les cyanotypes. J’en avais déjà vu mais je ne savais pas comment on faisait. Et je n’avais jamais fait non plus de sérigraphie. Ça m’a apporté beaucoup d’expériences ! Je suis curieuse, » souligne-t-elle en souriant avec malice. « Je participe aux activités d’Initi’Elles. » Une association amiénoise ayant pour but de lutter contre toutes formes d’exclusion en proposant des activités de loisirs en direction des femmes de toute origine sociale culturelle et géographique et en proposant un tiers lieu éducatif. « Je suis des cours de cuisine, de couture et de français. Je viens du Cameroun. Je suis arrivée ici il y a 20 ans, en 2002. »
Cet après-midi là, Martine avait le même âge que le jeune Alexandre. L’âge s’efface lorsqu’on laisse exprimer son imagination et son cœur.
Textes et photos : Gaëlle MARTIN