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La mythologie du simple

Dimanche 21 septembre 2025, nombreux·ses étaient celleux à venir festoyer au château féodal de Fressin (62). Démonstrations de combats à l’épée, de filage de laine, contes, visites guidées du site, jeux anciens et une lecture par la compagnie de théâtre Les Blouses bleues. Le ciel était gris et menaçant mais pari fut pris de jouer en extérieur, au milieu de ce site incroyable. À l’heure dite, le public était prêt, religieusement assis sur les bancs installés sur la pelouse. En décor, les vestiges du château et les reliefs verdoyants du domaine. Frédérique Laforge, créateur de la compagnie, a lancé une ambiance audio. Un cocon dans lequel Lisa Hours, comédienne, a lu avec beaucoup de justesse La Cane Sauvage, tiré du recueil de textes Nous sommes le sang de cette génisse, de Jean-Loup Trassard. Les yeux perdus dans le vague ou accrochés à un brin d’herbe, les spectateur·rices se sont laisser happer par l’histoire. À chacun·e son petit écran de cinéma intérieur.

Ce texte choisi par Lisa Hours parle de choses que ce public connait bien. À savoir, le monde rural et plus exactement agricole. « Jean-Loup Trassard est un écrivain photographe de la Mayenne, explique la comédienne. Il travaille la terre. Il a 92 ans. Avant, je lisais un texte de Marie-Hélène Lafond. Un extrait de Joseph. C’était âpre et dur. Et quand j’ai découvert Trassard, j’y ai vu une dimension cosmique. Ces personnages ont un destin de tragédie, bien que humbles. L’auteur donne une dimension mythologique à ces actes qui sont ceux des agriculteurs. Avec une langue très imagée. Je trouvais que c’était un bel hommage à rendre à ces gens. »

Lisa Hours connait bien son sujet et compte bien le creuser encore avec un travail d’ores et déjà entamé avec l’Audomarois, est une région naturelle des Flandres, autrefois principalement maraîchère, CAPSO (communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer) et le théâtre de Saint-Omer. « Il s’agit d’un partenariat au long court. On l’a appelé La terre sous les ongles. Et Plaines d’été (programmation soutenue par la DRAC Hauts-de-France) a été l’occasion de commencer ce travail de recherche et de tester comment ces mots résonnent et sont reçus. Ce texte parle de gestes, de façons de faire, de la mentalité des gens du pays qu’il connait très bien, sans préjugé ni cliché. C’est un texte étonnant assez atemporel. »

Aurore Raud, directrice du centre socio-culturel de la Maison de habitants des communes du Frugeois, a exprimé être ravie par cette lecture. « Heureusement que ces dispositifs existent ! a-t-elle émis en pesant ses mots. Je travaille avec ces villages. Il y a un grand besoin d’accès à la culture. C’est loin de tout ici. Saint-Omer est à 45 minutes. Quant à aller à Lille ou à Calais pour voir un spectacle, c’est une démarche que l’on fait quand on est déjà sensibilisé. Je suis très heureuse de voir l’engagement des compagnies qui viennent travailler ici. C’est très important. Nous avons un partenariat avec les communes. Tout passe par les municipalités ici. Comme ça se passe dans leur village, ils viennent mais ils ne viendront pas forcément dans le village d’à côté. On veut créer de la proximité. C’est la plus petite com’ de com’ du territoire, avec peu de moyens pour évoluer. Des projets comme Plaines d’été, c’est l’opportunité d’aller plus loin, à la rencontre des gens. Faire découvrir des choses très variées aux petits, c’est important pour leur avenir. Et aussi, sinon, on ne verrait pas leurs parents. »

Marie-Line, 62 ans, ne dira pas le contraire. Très férue d’occasions de découvrir des nouvelles choses, d’histoire, de patrimoine, cette habitante de Fruges était assise au premier rang pendant la lecture. « Ah c’était bien ! Sa façon de lire… On sent que c’est naturel. On a envie d’écouter jusqu’au bout, qu’elle lise tout le livre en entier. Heureusement, il n’a pas plu. Des fois, ce genre de choses, j’aimerais les entendre en patois. Tout le monde ne comprendrait pas. Mais c’est notre patrimoine. En tout cas, je ne regrette pas d’être venue ! C’est tellement important dans le milieu rural que des gens viennent faire des choses comme ça ! »

Texte et photos : Gaëlle Martin

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