Qu’est-ce qui compte lorsque l’on vous raconte une histoire ? La personne qui vous la raconte, les personnes avec qui vous l’écoutez, l’endroit où vous l’écoutez, son sujet ou alors peut-être le fait que ce soit une histoire vraie ou à l’inverse complètement inventée ?
C’est la dernière semaine des vacances, l’été est encore là et en ce début d’après-midi au centre de loisir du Pavillon Conti de Chambly, l’heure est au spectacle. Les chaises sont installées en arc de cercle et deux comédiens de la compagnie Les ailes de Clarence, attendent que tout le petit monde se mette en place.

Sophie et Romain sont là pour raconter les origines du goût, l’histoire de la nourriture. Alors pas toute l’histoire, ni toute la nourriture. Disons certaines histoires de certains plats qui se sont retrouvés dans certaines assiettes. Par exemple, la macédoine de légumes. On est toutes et tous à peu près d’accord pour dire que c’est un plat qui ne fait pas forcément très envie, rapport à toutes les macédoines de légumes qu’on a dû avaler à la cantine. D’aileurs, savez-vous d’où vient ce plat qui semble ne jamais avoir été cuisiné “en vrai” puisque qui, oui qui, a déjà vu quelqu’un préparer une macédoine devant ses yeux ? Eh bien figurez-vous qu’il s’agit d’une création de la couturière devenue cuisinière du roi Antiochus, alors qu’il n’y avait plus rien à manger dans son royaume de macédoine : elle a coupé en petit morceaux tout ce qu’il restait à se mettre sous la dent, elle a fabriqué une sauce et a mélangé le tout. C’est fou non ?



Alors voilà, pendant un peu plus de trente minutes, les jeunes enfants du centre de loisirs ont voyagé à travers les plats aux côtés de Sophie et Romain, eux-mêmes parfois accompagnés d’instruments de musique : un ukulélé, une guitare et un omnichord, un drôle d’instrument de musique électronique japonais. Avec, au fil du spectacle, des réactions nombreuses lorsque le duo évoque certains aliments. On se balade au milieu des légumes bizarres, des cornichons « je déteste les cornichoooons », la tarte au citron « ahhhh beurk ! », les betteraves « j’adore les betteraves ! » D’ailleurs en parlant de betteraves, sachez que le bortsch est né à l’occasion d’une drôle d’histoire d’espionnage pendant la Seconde Guerre mondiale. Oui oui, rien que ça.



Si les oreilles sont attentives, les têtes commencent à dodeliner, les pieds à s’agiter, lorsque les deux comédiens poussent la chansonnette. Nino Ferrer ou encore Alain Souchon sont ainsi invités à la fête. Une fête où l’on rappelle sans cesse l’amour de manger et celui de raconter des histoires. D’ailleurs, elles étaient vraies ou fausses ces histoires demande Sophie à son jeune public une fois le spectacle terminé ? Les réponses sont hésitantes, pour certains oui pour d’autres non. Si les comédiens expliquent qu’elles ne l’étaient pas, l’important réside surtout dans le plaisir du moment partagé à écouter des histoires de choses qu’on aime plus ou moins manger.




« Ça ne pouvait pas exister j’en étais sûre et certaine ! », lance Inès, 7 ans et demi. Son plat préféré dont elle aurait aimé raconter l’histoire ? Le foutou, composé à partir de banane plantain et de manioc originaire de la Côte d’Ivoire et qu’elle mange toujours au restaurant quand elle y va avec ses parents. Pénélope et Séraphine elles ont aimé les chansons, « c’était drôle leurs interprétations et de quoi les chansons parlaient. Je ne savais pas qu’on pouvait écrire une chanson sur le pique-nique ! » Fitahiana, 8 ans et demi, a elle aussi beaucoup aimé la musique, « j’aurais bien aimé qu’ils chantent plus », confie celle qui adore le ravitoto, un plat malgache que sa mère cuisine à la perfection.




Et du côté des artistes, qu’est ce que ça fait d’avoir un public si réceptif, qui est embarqué dans l’aventure du goût ? « C’est toujours super de voir que les enfants réagissent bien à ce que l’on raconte. Après c’est à nous de trouver un juste équilibre entre prendre certaines de leurs interventions et rebondir dessus pour le spectacle tout en ne nous laissant pas débordés par ça », explique Sophie. « Et puis l’énergie que l’on y met n’est pas la même lorsque l’on est face à un jeune public. Cela nous demande une adresse plus importante pour être sûr de les embarquer tout au long », conclut Romain.






Texte et photo : Clémence Leleu