PLAINES D’ETE – Touva, Touva ? – 30 août – Beuvry
La Maison de la Poésie Hauts-de-France à Beuvry accueillait l’impromptu Touva, Touva ?, proposé par la compagnie Vaguement Compétitifs. Cette forme théâtrale est un avant-goût du spectacle Tout va bien écrit et mis en scène par Audrey Chapon et Stéphane Gornikowski. Un spectacle qui sera créé en février 2023 à la Scène nationale de Châteauroux avant d’être joué en Avignon. Le mardi 30 août, c’est donc une sorte de teaser grandeur nature qui était proposé dans le cadre de Plaines d’été.
Quand on arrive à la Maison de la Poésie, l’ambiance est assez étrange. Dans le chemin qui mène à la bâtisse, un homme barbu vêtu d’un costume à queue de pie, d’une chemise blanche et d’un nœud papillon, attend, à côté d’une grosse valise. Plus loin, au bord de l’allée, un autre homme patiente dans son pull au motif d’une autre époque. Puis, se tient une femme qui jette un regard malicieux. Ces trois personnes sont silencieuses, bizarres. Elles éveillent la curiosité. Au bout du chemin se tient donc la Maison de la Poésie Hauts-de-France, cet ancien pavillon de chasse reconverti en lieu culturel. Durant cet après-midi, des interventions poétiques ont été proposées par Marie Ginet et Thomas Suel, avant l’impromptu imaginé par la compagnie Vaguement Compétitifs.
Les spectateurs présents parcourent un bout du chemin et se posent sur des bouts de troncs d’arbres transformés en tabourets. En cette fin de journée, l’ambiance est détenue alors que le soleil descend lentement à l’horizon derrière les grands arbres du parc. Il est 19h15, le spectacle peut commencer !
Le comédien / musicien David Bultel lance une musique où on entend du violon, le coassement d’un corbeau, une sonnette, une porte qui grince et s’ouvre. L’ambiance sonore est posée. Les deux comédiens Sophie Affholder et Malkhior déboulent, habillés en personnages loufoques. Elle dans une combinaison de plongée. Lui dans son costume noir à queue de pie. L’histoire de cette première partie est surréaliste, un peu difficile à suivre. Le personnage masculin est un pingouin, déboussolé par le dérèglement climatique. Il aurait raté sa migration. Elle ne sait pas non plus où elle habite. Ils vont chercher leur direction. Après cet épisode surprenant, la comédienne fait sa mue et demande aux spectateurs de l’aider à enlever sa combinaison.
Le cœur du spectacle arrive maintenant, avec sa thématique, les faits divers, et cette formule drôle et juste : « Les faits divers ne préviennent pas ». Les comédiens parlent alors de personnes qui ont fait l’actualité par le biais d’un fait divers : la naine psychopathe, le chauffard en excès de vitesse possédé par l’esprit de Michael Schumacher, l’employé de bureau qui a mis du LSD dans le café de ses collègues pour combattre leurs esprits négatifs, l’enfant qui a étranglé la surveillante car il était privé de récré, etc. Tous ces faits divers sont racontés en vrac. Ces petits fragments de vie se déroulent à toute vitesse sur fond de musique baroque. Avec parfois des accessoires qui s’invitent dans le jeu : une tête de taureau, un hachoir, etc.
Touva, Touva ? est un spectacle étrange et déconstruit qui évoque aussi des images et des émotions de l’enfance, de l’adolescence, de la jeunesse. On y plonge avec hésitation, sans trop comprendre mais il s’agit d’une forme en construction qui deviendra dans sa forme aboutie le spectacle Tout va bien. Pour la compagnie Vaguement Compétitifs, le dispositif Plaines d’été a donc été un laboratoire pour tester cette forme en mouvement. Ce que confirme le metteur en scène Stéphane Gornikowski : « Nous avons fait une série d’interventions théâtralisés sur des braderies, en interaction avec les habitants. Avec cette envie de se mêler à la population et d’aller vers un public qui ne va pas nécessairement au théâtre. Cela nous a permis de tester cette forme. »
La représentation à la Maison de la Poésie Hauts-de-France à Beuvry était déjà une version plus aboutie que celles des braderies. Elle a reçu un bel accueil. Comme par Annick, 65 ans, venue Noyelles-lès-Vermelles : « C’est un spectacle intéressant, bien amené. Il faut suivre et ça se termine sans qu’on s’en rende compte. C’est surprenant comme spectacle, avec des arrêts sur le temps qui sont mis en scène. » Sophie, 34 ans, habitant à Béthune, a également apprécié : « J’aime beaucoup ce que le fait divers révèle de l’imagination humaine. Et parfois la réalité dépasse la fiction. J’aime cette mise en avant de la créativité humaine dans ces moments critiques. Au début du spectacle, je me demandais où on allait et puis je me suis laissée porter par la suite, dans ce cadre poétique qu’est le parc autour de la Maison de la Poésie. Ce lieu se prête aux spectacles. »
Alain, 78 ans, arrivant de Villeneuve-d’Ascq, a été surpris par la proposition : « J’ai beaucoup aimé le côté surréaliste de la première partie du spectacle. Les comédiens tiennent bien la scène, ils sont remarquables. Ça fait longtemps que je n’avais pas vu de spectacle et c’était une rencontre impromptue, avec de la gaieté et du pas trop sérieux. » Dimitri, 51 ans, écrivain, éditeur, plasticien, est plus dubitatif : « Ce spectacle a éveillé en moi plein de questionnements : Quel public vise-t-il ? Pourquoi et comment raconte-t-on une histoire ? » Après la représentation de Touva, Touva ?, les spectateurs rejoignent la Maison de la Poésie pour discuter et boire un verre, tandis que David Bultel, le musicien du spectacle, prend les platines pour réaliser un mix tout aussi étrange, en mélangeant chanson française, extraits d’émissions télé ou de discours politiques. Étrange et poétique.
Texte et photos : Olivier Pernot