Fabrizio Solinas de la compagnie Little Garden a proposé le 16 juin son spectacle de jonglerie et de zoomorphie aux habitants du village de Rocquemont et ses alentours. Mais était-ce vraiment lui sur la pelouse ? Rien n’est moins sûr.
Le public installé sur les gradins de bois du parc de la mairie de Rocquemont a été prévenu : dans quelques minutes, Fabrizio Solinas, de la compagnie Little Garden, va entrer en scène pour présenter son spectacle. Pourtant, lorsqu’arrive l’artiste, les frontières se brouillent. Qui se présente devant nous, l’homme ou l’animal ? Le corps de Fabrizio Solinas semble en effet, s’être débarrassé de ses attributs humains. Pendant les 30 minutes de la représentation, ou disons plutôt de la parade nuptiale animalière, se succèdent devant les yeux des spectateurs, dinosaures, singes, oiseaux ou encore reptiles.
Fabrizio Solinas ne joue pas l’animal, il est l’animal. Il n’hésite pas à aller frotter ses plumes ou ses écailles au public ébahi. Ce dernier se laisse alors emporter par l’habileté de l’artiste à l’entraîner dans cet univers où le langage corporel permet, à lui seul, d’entrer en communion avec un monde qui nous semblait à part. « C’est très intéressant parce que c’est osé, c’est très personnel et ce n’est pas courant d’assister à un tel spectacle », explique Frédéric, « Il y a un rapport fort à l’émotion du corps, c’est instinctif, primaire, ça parle plus au côté reptilien de notre cerveau. », poursuit-il, enjoué. Agnès et Aniela, deux amies du village, sont elles aussi conquises. « C’est formidable, je suis enchantée par son adresse, ça m’a fait rêver », raconte la première. « Je n’avais jamais vu quelque chose comme ça, même à la télé. C’est vraiment une chance d’avoir pu voir cela dans notre village. Et puis, il ne triche pas. », complète la seconde.
Pendant le spectacle, Fabrizio Solinas se transforme, entre dans le corps d’animaux divers, empreinte leurs cris, et jongle dans le même temps avec trois balles oranges, qui n’ont pas manqué, elles aussi, de retenir l’attention du public et notamment d’Enora, neuf ans et demi. « C’est super drôle, j’ai bien aimé les balles oranges, il ne loupe jamais ! Et puis il faisait aussi super bien les bruits. » Noah, neuf ans, a lui essayé de reconnaître les différentes espèces d’animaux. « C’est sûr qu’il y avait un gorille, une sorte d’oiseau et un dinosaure. » Sandrine, venue en famille, craignait que les enfants aient un peu peur lorsqu’elle a vu que dinosaure, singe et reptile s’approchaient du jeune public, « mais finalement ils n’ont pas bougé tant que ça, ça ne les a pas dérangé ce côté instinctif ! »
Dans le public ce soir-là, il y avait une spectatrice particulière. Lilas a 17 ans et veut devenir zoologue, alors forcément, ce spectacle, ça lui a bien parlé. « On regarde pas mal de documentaires animaliers à la maison et ce qu’il a fait c’était hyper précis. Il marchait sur l’extérieur de ses pieds comme un gorille. C’est vraiment bien fait, même le bruit des oiseaux ! C’était intéressant de voir les parades nuptiales des animaux sur un humain. »
Fabrizio Solinas, qui jongle depuis ses onze ans, a créé ce spectacle en trois ans et le tourne depuis autant de temps. Pour entrer dans la peau des animaux, il se nourrit intensément d’images et de films. « J’ai toujours rêvé d’être un X-Men, de pouvoir être plein d’animaux. Avec ce spectacle, j’y suis arrivé ! », confie l’artiste italien dans un sourire. Pendant trois ans, il expérimente et choisit finalement de se focaliser uniquement sur certaines espèces. « Je voulais faire un grand félin mais ça ne marchait pas. Au début, j’essayais de tout faire mais je me suis rendu compte que ça ne me permettait pas de proposer quelque chose de correct, alors j’ai réduit. », poursuit-il. Mais alors quel est son secret pour réussir une telle performance et embarquer avec lui le public ? Fabrizio Solinas y répond du tac au tac : « Vivre le moment présent. C’est la seule manière de laisser surgir l’instinct. » Un instinct universel, qui est peut-être l’élément le plus important pour l’artiste : que son spectacle soit compris par toutes et tous, quel que soit leurs langues, leurs lieux d’habitations ou leurs rapports à la culture.
Texte et photos : Clémence Leleu