PLAINES D’ETE – Le Conte du Ventemps – 17 septembre – Saint-Omer
Dans le cadre de Plaines d’été et des Journées du Patrimoine, la compagnie lilloise Miroirs étendus présentait Le Conte du Ventemps, une nouvelle qui permet de plonger dans l’univers fantastique de l’écrivain Alain Damasio.
Le cadre paisible de la cour de l’ancien hôpital Saint-Louis à Saint-Omer est l’endroit idéal pour découvrir Le Conte du Ventemps, une création de la compagnie Miroirs étendus. Ce dimanche 17 septembre, une douzaine de spectateurs se pose dans les chaises/fauteuils confortables dans cet espace qui est devenu aujourd’hui la cour de la mairie. En face d’eux, deux interprètes, la flûtiste Sarah Van der Vlist et la récitante chanteuse soprano Marie Soubestre, et une œuvre, Le Conte du Ventemps, une nouvelle d’Alain Damasio.
L’écrivain français a été révélé en 2004 avec le livre La Horde du Contrevent, le récit kaléidoscopique d’une mission d’hommes et de femmes qui, à défaut de pouvoir remonter le temps, « contre » le vent, en cherche la source. La nouvelle Le Conte du Ventemps a été retirée avant la publication de cette aventure héroïque, poétique et métaphysique. On y retrouve le mystère, la beauté et la force de la quête qui anime le roman. Et aussi la musicalité de la langue d’Alain Damasio, où chaque personnage, chaque phrase, chaque mot chante et fait souffler le vent.
La compagnie Miroirs étendus s’empare donc de cette nouvelle, dans une proposition conçue par Romain Louveau et Othman Louati. Ce dernier étant également le compositeur de la musique du spectacle. Et c’est en musique que commence la représentation avec de douces mélodies de flûte traversière interprétées par Sarah Van der Vlist.
La musicienne se saisit ensuite d’un instrument plus imposant : une flûte alto à tête recourbée. Elle va ainsi, tout le temps de la représentation, alterner entre ses deux instruments sous le regard admiratif de la chanteuse soprano Marie Soubestre qui est aussi une formidable conteuse. Au début du spectacle, Marie Soubestre lit des extraits de la nouvelle Le Conte du Ventemps. Puis elle « interprète » une interview radio, jouant tour à tour deux rôles : l’intervieweuse à la voix douce, féminine, posée, et Alain Damasio, à la voix masculine, engagée, populaire. Elle se met par la suite à chanter et sa voix lyrique s’envole dans les magnifiques jardins de la mairie. Dans les enceintes, du vent souffle. Il souffle de plus en plus fort au fil que le récit se déploie. Puis, des bruits d’eau apparaissent alors que quelques vraies gouttes de pluie commencent à tomber. Les deux interprètes s’empressent de poser leurs coupe-vents pour protéger l’ordinateur sur la table.
Une éclaircie surgit et le soleil perce de nouveau sur les jardins. En ce début d’après-midi, la douzaine de spectateurs se laisse emporter par cette histoire de tribus racontée avec douceur, par ce chant envoûtant, par l’univers sonore imaginé par Othman Louati et par la légèreté des flûtes. Les instruments à vent font voyager comme les mots dits avec beaucoup d’espace dans les phrases. La voix est appuyée par un tapis sonore qui crée une atmosphère étrange. Ce son électronique ambient, parfois noise, qui sort des enceintes est comme un personnage tant il est présent et important. Par moments, la flûtiste a les yeux fermés. Elle écoute la conteuse. Puis elle la regarde aussi avec beaucoup de douceur dans les yeux. La récitante est captivante comme la poésie d’Alain Damasio. Elle se met dans le jardin et parle, dos au public. Puis revient devant les spectateurs, pose ses chaussures à talons et s’assoie par terre, pieds nus.
Ce spectacle a déjà été joué dans des lieux très différents : lycées, églises, festivals, ruines d’une abbaye. Ce jour-là, dans la cour de l’ancien hôpital Saint-Louis, il illumine l’après-midi. Au bout d’une trentaine de minutes, la voix et l’instrument se taisent, le son dans les enceintes s’arrête lentement. Ce moment était hors du temps, comme un rêve.
Parmi la douzaine de spectateurs présents, il y a Christine, 67 ans, et Bernard, 65 ans, venus de Longuenesse. Christine prend la parole en premier : « Nous sommes venus grâce à notre fils qui nous a dit qu’il y avait ce spectacle, car nous n’allons pas très souvent en voir. J’ai adoré ce spectacle, c’était reposant. On pouvait fermer les yeux et écouter, se laisser porter. » Bernard est plus perplexe : « Je n’ai pas tout compris au texte ». Mais il reconnait que le spectacle était « prenant ». Puis il rajoute : « Il y a le cadre, ce jardin, la musique et cette manière de conter, c’était un très bon moment. Le lieu nous a décidés à venir. Même si nous ne connaissions pas du tout l’auteur, nous voulions participer et c’était très bien ! »
Véronique, 60 ans, habitante de Clairmarais, est enchantée : « C’était captivant. On se plonge complètement dans le spectacle, avec la musique et les paroles. C’est une bonne découverte cet auteur ! » Elle n’est pas venue par hasard : « J’aime les spectacles en plein air et quand j’ai vu celui-ci dans le programme des Journées du Patrimoine, j’ai eu envie de venir. Surtout, qu’avant, j’ai travaillé à l’hôpital Saint-Louis, donc je connais bien cette cour, cet endroit. » Venue en voisine de Saint-Martin-lez-Tatinghem, Marie-Agnès, 74 ans, est conquise par le lieu autant que par le spectacle : « Je connais cet endroit et il n’y a pas souvent des spectacles dans cette belle cour. Donc je suis venue. Surtout qu’on pouvait arriver sans avoir réservé. Cela me convient très bien. J’avais cette envie de découvrir un spectacle et cet écrivain. Et je repars avec plein de choses intéressantes en tête sur ce que j’ai entendu, la musique comme le texte. »
Texte : Olivier Pernot
Photos © Olivier Pernot