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Deux ou trois outils, du fil et son sac à dos

« Marcher, demande d’avancer parfois dans le désert, les surprises sont aux croisements des chemins. L’instant présent du marcheur souligne un détachement et accueille la beauté et la manifestation des lieux et des rencontres. Les impromptus artistiques se sont développés au fil du temps de la marche. Ils se sont exprimés avec simplicité et minimalisme face à la grandeur des éléments, des paysages parcourus. L’observation de la laisse de mer quotidienne est un constat et une sensibilisation de la présence de notre humanité. Une humanité qui aujourd’hui se questionne. »

Siloé – septembre 2023


Le 16 septembre 2023 à Mers-les-Bains, il est 10h45 quand Siloé me rejoint en terrasse sur la digue.

« Je suis revenue ici à Mers-les-Bains parce que j’ai dû annuler cette dernière date de mon périple en août, la météo, c’était terrible ici. Alors, je suis revenue. J’ai repéré un endroit pour faire une installation, ce sera cet après-midi, près de l’église Saint-Martin. Il y a tout un escalier qui monte jusqu’à cette église. J’ai collecté des galets percés que je vais utiliser comme petits pots pour y installer des bouquets de fleurs et végétaux séchés de la mer. J’ai appris hier que cette église honore Sainte-Thérèse de Lisieux. C’est un lieu important. Sur le chemin, j’ai trouvé la vierge des falaises avec des autels fais par des gens. Ce sont des lieux importants pour les pêcheurs, des petits lieux de culte. »


Siloé part de Laon et arrive en train à Calais en même temps que la tempête début août. Elle recule son voyage de quelques jours puis reprend un train jusqu’au musée de la gravure à Gravelines. Le chemin commence là pour 10 impromptus en 10 étapes ! Siloé cherche dans ses affaires et en sort son téléphone pour remonter le fil des publications de son voyage.

« J’ai deux ou trois outils, du fil et mon sac à dos. »

Pour cette édition de Plaines d’été, Siloé avait prévu de travailler sur les pas et les traces laissées dans le sable. Elle commence la marche jusqu’à Calais. S’inspirant de la tradition locale, elle y réalise une grande dentelle dans le sable. Cette année, elle arpente le GR-120 pour « Marcher, une manifestation artistique à valeur participative pacifique et interrogative »…

« Le chemin des douaniers longe la côte littorale jusqu’au delà de la frontière des Hauts-de-France. Le GR-120 c’est un ancêtre de chemin qui existe depuis le moyen-âge et qui servait aux douaniers pour longer les côtes. Souvent les chemins de grande randonnée sont adaptés pour trouver de quoi manger, dormir et marcher en toute sécurité. Je ne connaissais pas du tout ce chemin. »


Quelle place a la marche dans ta création artistique ?

« Y’a un mouvement en tant qu’artiste, on fait une jonction avec qui on est. On se découvre dans nos élans créatifs. J’en suis là dans ma vie, faire du lien avec tout ce qui m’anime mais pas uniquement dans ma vie d’artiste, également dans mon quotidien. La marche en fait partie. Je marche tous les jours et je suis attirée par la nature, les grands espaces, la cueillette, le glanage, l’observation, c’est actif ! Et les rencontres… prendre le temps de la parole. J’allie dans ma vie l’ensemble de mes actes, de plus en plus. Et ça affine la compréhension de ce qui m’a amené à choisir cette vie. Ça ouvre les possibilités, l’affirmation et le partage de qui je suis en tant qu’artiste – c’est simple, joyeux, direct, et assez compris. »


C’est donc une partie intégrante de ton parcours ?

« J’ai 56 ans mais je suis une jeune artiste, avant j’étais graphiste, ce n’est pas la même chose. La gravure on ne peut pas en faire partout, c’est conditionné par la presse. Tout doucement, je me suis mise au land art. Le land art c’est plus direct, spontané, et éphémère. La gravure, c’est le marquage, le land art, c’est l’éphémère. »


Et sur le chemin, tu as fait quels types de rencontres ?

« Là où c’est toujours le plus intuitif et dynamique, c’est avec les enfants, il suffit d’un geste artistique et ils suivent. Surtout quand c’est dehors. J’ai campé et j’ai rencontré beaucoup de gens, des familles et des retraités… beaucoup d’enfants. J’ai également rencontré un mode de vacances très simple : la mer, les cabanes à frites et le camping. Avec les touristes, c’est plus difficile, parce qu’ils tracent la route. Mais sur la mer, les gens sont très paisibles. La mer, ça repose tout le monde, ça fait un grand nettoyage ! Les gens sont curieux, ils ont le temps, c’est les vacances, il y a ça aussi !

J’ai aussi croisé des professionnels chargés des déchets du littoral. Cela évolue beaucoup dans ce domaine, les infrastructures, les équipements, l’art est aussi concerné par ce sujet. Sur les galets, on ne voit pas trop les déchets, mais sur le sable, la laisse de mer est très visible. Il y a les oublis, les chapeaux, les vêtements, les mégots… Mais aussi des déchets flottants d’origines diverses (bateaux, pêche, etc.), de grandes quantités de plastiques (filets et fils de pêche…). Je ne souhaite pas être moraliste, plutôt interrogative et observatrice.

Concernant mes impromptus, j’avais prévenu les mairies, les offices de tourisme, j’ai rencontré une colonie de scouts, les gens dans les campings, j’ai eu plus de difficultés avec les partenariats parce que le territoire est grand, c’est plusieurs villes, trois départements que je ne connais pas particulièrement et surtout, une fois que je pars, c’est difficile de suivre, le réseau téléphonique ne passe pas bien partout sur le littoral. »


Un petit bilan de ce parcours Plaines d’été ?

« Le chemin était sympa mais éprouvant un peu, la météo surtout… il y avait très peu de différence entre quinze degrés la nuit et la température de la journée. L’avantage c’était que l’eau était chaude. J’ai parcouru 250 kilomètres environ, c’est plus que l’année dernière sur la Via Francigena – ce chemin qui va de Canterbury à Rome – que j’avais arpenté sur la partie axonaise dans le cadre des plaines d’été l’année passée. Mon plus grand problème a été de trouver de quoi recharger mon téléphone, je vais devoir investir dans le solaire pour les prochains projets itinérants. »

L’année prochaine, as-tu déjà des envies de chemins ?

« Je n’y ai pas encore réfléchi. J’aimerais peut-être traverser les villes. Calais est une ville qui a bien changé, c’était une belle découverte. Il y a des campings dans les villes, où les gens partent en vacances, ils sont à deux pas de chez eux. c’est un sujet intéressant. »



Propos recueillis par Clémence Boulfroy
Photos © Siloé

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