PLAINES D’ETE – Eurêkoi? – 16 septembre – Genech
Samedi 16 septembre à Genech, le comédien Jean-Maximilien Sobocinski, de La Compagnie du Créac’h, présentait le spectacle Eurêkoi?. Une proposition drôle et sérieuse à la fois, emmenée par un interprète plein d’énergie et de fantaisie.
En plein week-end des Journées du Patrimoine, il y a peu de monde dans la petite salle de la mairie du village de Genech. Seulement une dizaine de spectateurs. Cela n’entame en rien l’enthousiasme de Jean-Maximilien Sobocinski qui présente le drôle de spectacle Eurêkoi?. Dans cette proposition conçue par Jean-Christophe Viseux, le comédien est un représentant du Ministère des inventions. Il se propose de raconter l’histoire de quelques-unes d’entre elles. Derrière lui se trouve un grand meuble avec 36 cases et autant de créations indispensables à l’Humanité.
Dès le début du spectacle, Jean-Maximilien Sobocinski déborde d’énergie : il crie, il hurle, il gesticule. Il met beaucoup d’intensité dans cette présentation de petites choses et de grandes révolutions. Il sort douze cartes avec des chiffres et des lettres. Il en distribue aux spectateurs, puis va les récupérer deux par deux pour faire des combinaisons. La première combinaison est B6 : cela correspondant dans le meuble à un caillou taillé.
Le comédien va alors parler de l’ère préhistorique, des hommes et des femmes à cette époque, de la découverte du feu, des peintures rupestres. Puis du silex taillé et plus tard, du marteau et du clou. Les spectateurs suivent les explications et les faits d’histoire qui s’enchaînent à grande vitesse, parfois un peu perdus. Mais Jean-Maximilien Sobocinski, avec sa douce exubérance sous sa veste de professeur, a cette faculté d’amener le public dans son discours aussi drôle que sérieux.
Une nouvelle combinaison est réalisée : C4. Dans le meuble, le comédien récupère une boîte ronde en métal, il l’ouvre et en sort un petit vélo en plastique. Voilà maintenant l’invention de la roue… et son application moderne, le vélo. Le comédien parle de l’évolution du cycle, de la création des pédales et des pneus. Et du fait que, grâce au vélo, l’être humain s’est sociabilisé. La nouvelle combinaison de cartes dévoile le code E5. Dans le meuble, il correspond à une boîte de conserve. Une révolution pour la conservation des aliments, « qu’on retrouve au fond des placards les jours de disette ou de confinement ». Jean-Maximilien Sobocinski évoque aussi d’autres inventions dans le domaine culinaire comme le bouillon cube ou le lait concentré. Il est très expressif dans ses démonstrations, dans sa voix, souvent forte, et dans ses gestes, exubérants, excessifs.
Après avoir tiré deux nouvelles cartes et réalisé une nouvelle combinaison (F1), le comédien attrape une balle dans le meuble à inventions. Un mini ballon de football. Il commence à disserter sur la force et la précision du lancer d’une balle. Il donne alors l’objet à une spectatrice et lui demande qu’elle lui lance. Puis il continue son exposé, parle de la dextérité qu’il faut avoir pour les jeux de balle et de ballon. Il raconte l’invention et l’histoire du football et analyse l’influence de ce sport sur la masse des spectateurs. Il décrit le football comme un levier politique, comme une religion, comme un business.
Après avoir présenté ces quatre inventions et discuter sur leurs origines, leurs histoires et leurs créateurs, le comédien propose un jeu aux spectateurs. Il les invite déjà à se souvenir des dates des inventions mentionnées, puis à essayer de deviner les dates de création d’autres inventions, tout en les classant chronologiquement. Ainsi défilent les Jeux Olympiques modernes, le coton-tige, le sandwich, le twist, la machine à laver, la poubelle, le parachute, la vidéosurveillance, etc. Ce jeu est une pirouette de fin de ce spectacle bien rodé, avec un comédien qui connaît sa partition. Eurêkoi? a déjà joué plus d’une cinquantaine de fois, dont dix représentations dans le cadre de Plaines d’été. A la fin de celle de Genech, Jean-Maximilien Sobocinski confie : « C’est un spectacle qui évolue, qui s’adapte suivant les endroits où je joue. Je rajoute ou j’enlève des inventions pour correspondre aux structures qui l’accueillent. D’ailleurs, en octobre, je vais jouer Eurêkoi? au Forum des Sciences à Villeneuve d’Ascq, à l’occasion de l’exposition Léonard de Vinci. Je vais donc y faire une adaptation spéciale du spectacle ». Dès la fin de la représentation, la discussion s’engage ensuite entre le comédien et les spectateurs sur d’autres inventions qui pourraient être intégrées au spectacle.
Malgré la faible affluence, Jean-Maximilien Sobocinski a donné une prestation pleine de vitalité. Les spectateurs, adultes comme enfants, ont apprécié. Comme Brigitte, 74 ans, qui est accompagnée de petit-fils, Gaspard, 12 ans. « J’ai été secrétaire à la mairie de Genech pendant trente-six ans. Je suis venue car je sais que des fois il y a peu de monde pour les spectacles proposés. C’est un soutien de ma part. Je suis un peu déçue par l’affluence, mais aujourd’hui, ce sont les Journées du Patrimoine. C’est dommage car c’était un spectacle très intéressant. Ces objets, ces inventions, cela nous évoque des souvenirs, cela nous rappelle des choses. Le comédien faisait participer le public, tout en jouant. Ce qui ne doit pas être facile. » Gaspard partage l’avis de Brigitte : « C’était une comédie drôle et le comédien parlait fort. Mamie m’a dit de venir et c’était super. Des fois, je vais voir avec elle des spectacles en son et lumières sur le Moyen Âge. Cela m’intéresse aussi. »
La grand-mère et son petit-fils sont avec des amis, Lucien et Marie-Noëlle, 67 ans tous les deux. « Pour le déjeuner, nous étions au restaurant », raconte Marie-Noëlle. « Nous fêtions nos 45 ans de mariage. Nous nous sommes dit que ce serait bien d’aller voir ensuite ce petit spectacle à Genech. Par curiosité. » Lucien l’interrompt, en souriant : « J’ai aimé le clin d’œil car le spectacle avait lieu dans la salle des mariages ! » Marie-Noëlle reprend : « Le thème de ce spectacle est original et j’ai trouvé le comédien tonique. Il emmène tout le monde dans son univers, on ne peut pas s’endormir. Il y a de la grandiloquence dans sa présentation, dans le ton de sa voix. Cela donne un spectacle détonant, désopilant et décalé. » Puis elle imagine : « Il faudrait lancer un Ministère des inventions dans le cadre de l’écologie, pour créer des inventions qui réparent la planète. Ce serait bien ! »
Texte : Olivier Pernot
Photos © Olivier Pernot