Faire attention aux bruits du quotidien. À ceux qui composent notre environnement mais auxquels on ne prête finalement plus attention, sauf si ce bruit gêne notre oreille : un klaxon trop fort, un bruit de chute qui nous fait sursauter… Pour faire cette expérience de l’écoute, Stéphanie et Stéphane, de la compagnie Phonotopie, tous les deux plasticiens sonores, ont proposé aux Beauvaisiens une balade dans les rues de leur ville. Avec, pour seule consigne : à chaque étape, fermer les yeux et se laisser aller dans le flux sonore.
Irène, Victor, Dominique et Yveline se sont prêtés au jeu. Premier arrêt, le parvis de la cathédrale Saint-Pierre. Le petit groupe, en cercle, ferme les yeux. Après quelques secondes, certains les rouvrent timidement, quand d’autres les maintiennent clos, tout en ne se sentant pas très à l’aise. “Je me suis sentie dans une position de fragilité. On entendait des enfants, et je me disais intérieurement : j’espère qu’ils n’ont pas de balle qui va arriver dans mon visage” confesse Irène, médiatrice culturelle au Quadrilatère.
Certains bruits se détachent clairement : les pas sur les pavés, les voitures de passage, les cris des enfants… “C’était étonnant, on ne fait jamais ça, s’arrêter pour écouter les sons”, explique Dominique, habitante de Beauvais, venue assister à cet Impromptu avec son amie Yveline. “Là on entendait vraiment les bruits des pas qui se détachaient, alors qu’on n’y fait pas du tout attention d’habitude.”
Étape suivante : l’intérieur de la cathédrale. Encore une fois, le groupe ferme les yeux, et constate que l’édifice renferme quelques surprises. “Pour chercher le silence, je serai allée dans la cathédrale, mais en fait on se rend compte que le son tarde plus à se dissoudre. Que cet endroit n’est pas si calme qu’il en a l’air”, s’étonne Irène. “On y entend des sons mais qui ne sont pas vraiment identifiables, comme brouillés”, complète Victor, scénariste.
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Autre lieu choisi par le duo de plasticiens, une petite rue perpendiculaire à la cathédrale, où, en quelques secondes d’écoute, le son des moteurs cède la place à celui des oiseaux. Une surprise pour tous, étonnés de constater qu’en moins de 100 mètres, l’environnement sonore change du tout au tout. Dernier arrêt dans cette marche sonore, la place Jeanne Hachette, place principale de Beauvais, bordées de cafés et boutiques. “Ça m’a surpris d’entendre aussi bien le son des fontaines qui sont sur la place. On entendait parfaitement les variations des jets, qui devenaient plus ou moins intenses”, confie Victor.
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La visite se termine par une séance d’écoute d’une création sonore de Stéphanie et Stéphane, dans laquelle se mêle bourdonnements d’abeilles, roulis des vagues, poids lourds lancés à pleine vitesse sur l’autoroute, moissonneuses batteuses… “On a l’impression d’y être. D’être vraiment à la plage par exemple, et d’avoir de l’eau autour de nous. Ca fait appel à la mémoire auditive. On revit des moments où l’on entendait ces sons”, explique Yveline à la fin de la séance. “J’ai essayé de me concentrer pour tenter de reconnaître tous les bruits”, indique Dominique, quant à Irène, elle confie avoir été si apaisée par les sons qu’elle n’a pas cherché à les identifier, “dans ma tête je voyais des formes se dessiner, comme des trajectoires colorées en fonction du son”.
Cette marche a été imaginée par la compagnie Phonotopie en réponse à l’exposition photographique Photaumnales, où les photographes ont travaillé en image sur le flux. “Ils ont travaillé le flux avec les yeux, nous, nous prolongeons avec les oreilles”, indique Stéphane. “On essaie de montrer que différents lieux, pourtant dans un même environnement urbain, portent différentes caractéristiques sonores. Que l’architecture joue aussi un rôle dans le type de son que l’on entend. Notre but est de faire redécouvrir aux gens leur environnement sous jour un nouveau, juste grâce au son.” Pari réussi !
Textes et photos : Clémence Leleu