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« Attraper les images dans la tête» : récit d’un récit

Plaines d’été – Cie la langue pendue – Carnin – 12 juillet 2025

Le samedi 12 juillet à 20h30, la compagnie La Langue Pendue a proposé une veillée pas comme les autres, entre récits, musique et invention collective à l’occasion de la soirée organisée par la municipalité de Carnin (62) pour la fête nationale. Le conteur Rachid Bouali et le musicien Manu Domergue, multi-instrumentiste, y ont joué leur toute première représentation pour les Plaines d’été 2025, programmation culturelle soutenue par la DRAC Hauts-de-France.

Un tapis rouge installé au sol en guise de scène, quelques instruments en tout genre, un tabouret, un micro. Autour, une foule bien présente, installée sur des chaises ajoutées à la volée. Certains sont même venus avec leurs fauteuils de camping et leur pique-nique. Il faut dire qu’avec cette technique, ils pourront être au premier rang pour le feu d’artifice de 23 heures. L’atmosphère est détendue, les rires déjà là. Pour les artistes, il fallait pourtant jongler avec l’inattendu : « C’était une exploration, très chaleureuse. Mais c’est vrai que ça demande de s’adapter, parce qu’on ne sait jamais quel public on aura devant nous », explique Rachid Bouali, comédien, conteur, metteur en scène et fondateur de la compagnie.

« Là, il y avait des petits-petits et des très grands, voire même des personnes âgées. Donc, dans la construction d’histoire, il fallait vraiment veiller à ce que chacun puisse prendre la parole malgré son âge. Et dans les récits, faire en sorte que tout le monde y trouve son compte, sans effrayer les plus jeunes ni ennuyer les plus grands. »

« Faire naître des images dans la tête »

Dans un premier temps, le spectacle a démarré sur un mode participatif. Le public a contribué à la création d’une histoire, avec un enthousiasme notable. Le jeune Maël, installé au premier rang, s’est rapidement imposé comme l’un des moteurs de la soirée. « Mon conte préféré ? Celui que j’ai inventé ! » a-t-il partagé à la fin du spectacle. Passionné par la lecture, notamment les mangas, Naruto en tête, il a montré combien l’imaginaire est une affaire d’envie et d’audace.

À cette proposition collective est venue s’ajouter une série de contes : un « plan B » pensé comme un cadeau supplémentaire. « Je ne savais pas combien de temps la construction allait durer, donc j’ai prévu quelques histoires. L’idée, c’était qu’en repartant, ils se disent : ‘Ah oui, il nous a montré comment on fabrique des images dans la tête’. »

L’artiste revendique cette transmission de techniques simples mais essentielles : « À l’ère des écrans et de l’intelligence artificielle, produire des images mentales, c’est un geste de résistance, presque. Raconter, écouter, imaginer… c’est quelque chose d’universel et d’ancien, mais qu’il faut entretenir. »

Cette dimension pédagogique, presque artisanale, est chère au conteur : « Parfois, je donne deux ou trois petites techniques, je nomme les choses. Je dis : ‘voilà ce qui se passe dans ta tête quand on te raconte’. C’est simple, mais ça réactive quelque chose de fondamental. »

Un moment vivant

Pour le conteur comme pour le musicien, ce qui les réunit dans l’aventure Plaines été, c’est le goût du moment présent : « Ce qui m’intéresse, réagit Manu Domergue, c’est le live. Le temps vivant, cette chose impromptue et unique qu’on partage avec les gens. » Et dans cette première, tous deux ont ressenti la magie opérer : « Le public était vraiment super. Ils ont participé au quart de tour. »

Le duo, complice sur scène, parle d’un début de processus, d’une forme encore mouvante. « C’est un peu comme les spectacles de clowns. Le clown a son canevas, mais il ne peut rien faire sans le public. Là, c’est pareil. On commence à sentir qu’il y a quelque chose à creuser. »

Et ce soir-là, le public était au rendez-vous. Les enfants ont réagi très vite, les adultes ont suivi, les rires ont fusé, les silences aussi. Rosemonde, septuagénaire, a confié que son conte préféré était « celui avec le chacal », sans trop pouvoir dire pourquoi. Deux autres spectatrices, sur le départ, résumaient leur soirée avec un sourire : « C’était sympa. Même si j’avoue, je me suis évadée dans mes pensées de temps en temps… »

Une volonté commune de partage

Du côté de la municipalité, on se réjouit du dispositif : « Quand la compagnie nous a appelé, on a tout de suite accepté. C’était une formule clé en main, et surtout, ça collait à notre envie de créer un vrai moment de partage pour le 14 juillet. »

Pour les artistes, ce type de rencontre est fondamental. « Je viens du théâtre populaire, de l’éducation populaire. Ce qui m’intéresse, c’est d’aller chercher les gens là où ils sont, sans barrière, sans condition de moyens. Ici, je savais que j’allais rencontrer des gens motivés à être là, à partager. Et aujourd’hui, des gens qui veulent encore faire communion avec les autres, c’est précieux. »

Texte et photos : Sidonie Hadoux

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